Les membres du Pool judiciaire financier (Pjf) ont été installés hier par le ministre de la Justice. Ousmane Diagne a exhorté cette équipe de 27 membres à donner le meilleur d’elle-même, «pour l’atteinte des objectifs assignés à cette juridiction». De son côté, le ministre promet que l’Etat ne ménagera aucun effort pour les mettre dans les «conditions optimales de performance et d’épanouissement professionnels». Pour sa part, le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar les a invités à bien vérifier les renseignements qui leur sont fournis avant de leur rappeler qu’il ne s’agira pas d’un «règlement de compte, mais plutôt d’une reddition des comptes».
Ousmane Diagne : «l’Etat ne ménagera aucun effort pour vous mettre dans les conditions optimales»
Manifestement, l’Etat du Sénégal a fait de la reddition des comptes une priorité. Les autorités ne vont donc pas lésiner sur les moyens pour atteindre leurs objectifs. L’espoir est donc porté sur le Pool judiciaire financier (Pjf). Hors l’absence d’un des membres «empêché», l’équipe du Pool judiciaire financier (Pjf), constituée de 27 personnes, a été présente hier à la salle 4 du palais de justice pour être installée par le ministre de la Justice, garde des Sceaux. Ousmane Diagne les a exhortés à donner le meilleur d’eux-mêmes pour «l’atteinte des objectifs assignés à cette juridiction». De son côté, promet le ministre, «l’Etat ne ménagera aucun effort pour vous mettre dans les conditions optimales de performance et d’épanouissement professionnels». Ousmane Diagne précisera à leur endroit : «les principes d’indépendance et d’intégrité auxquels vous êtes profondément attachés devront toujours vous servir de viatique dans l’accomplissement de votre mission», pour dire, en substance, que leur indépendance dépend d’eux-mêmes. Evoquant, la particularité du Pjf, Ousmane Diagne de souligner : «le Pool judiciaire financier allie les besoins d’efficacité dans la répression et l’efficience dans la gestion des ressources humaines. Il ne se limite pas seulement à remplacer la Crei, mais se veut plus innovant et conforme aux exigences du moment. Aussi, dispose-t-il d’un domaine de compétence plus élargi en ce sens qu’outre l’enrichissement illicite, le Pool prend en compte d’autres incriminations telles que la corruption et les pratiques assimilées, les détournements, escroqueries et soustractions de deniers publics, le faux monnayage, les infractions fiscales et douanières, le trafic de stupéfiants, les infractions liée aux technologies de l’information et de la communication, les infractions liées à la réglementation des marchés publics, piraterie maritime, financement du terrorisme, le trafic de migrants, les infractions liées à la réglementation bancaire».
Mbacké Fall : «il ne s’agira pas d’un règlement de compte, mais d’une reddition des comptes»
Prenant la parole, le Procureur général près la Cour d’appel de Dakar les a invités à être plus prudents sur les informations qui leur sont données. «Vous ferez votre travail conformément à la loi, mais dans le respect de la dignité de la personne humaine et des droits de la défense. Vous garantirez aussi le respect du secret des enquêtes et le respect de l’instruction. Evitez de porter atteinte à l’honorabilité des personnes suspectées, mais toujours présumées innocentes tant qu’un Tribunal compétent et impartial ne les aura pas déclarés coupables sur la base des éléments de preuves apportés et discutés au cours des débats d’audience. Il vous appartiendra donc de vérifier les renseignements qui vous sont fournis quelle qu’en soit leur source. Vous devez les vérifier avant de prendre des décisions», a rappelé Mbacké Fall dans son discours. Loin d’en finir, il poursuit : «vous allez poursuivre, juger des agents publics mis en cause dans la prévarication des fonds publics. Il ne s’agira pas d’un règlement de compte au sens péjoratif du terme, mais plutôt d’une reddition des comptes». Selon lui, il est juste, voire même impératif que les «prévaricateurs de nos faibles ressources puissent rendre compte de leur gestion».
Abdoulaye Bâ : «sans tambour ni trompette, mais avec sérénité et célérité»
Le Premier président de la Cour d’appel de Dakar a abondé dans le même sens. Abdoulaye Bâ les a exhortés à «appliquer la loi, toute la loi, mais rien que la loi». Pour lui, les membres du Pjf disposent d’outils nécessaires pour tout magistrat de «mener à bien son sacerdoce». Il s’agit, dit-il, du «serment qui guide et oriente», la «conscience qui interpelle» et la «foi en Dieu, foi en la justice et foi en soi-même». Poursuivant son discours, Abdoulaye Bâ rappelle à l’attention des membres du Pjf que le législatif a joué son rôle ainsi que l’exécutif ; ainsi, renchérit-il, «le judiciaire incarné dans cette dynamique par vos illustres personnes, devra accomplir sa mission de traitement et de répression des infractions à caractère économique et financier, assurant ainsi la sauvegarde des ressources publiques provenant essentiellement des contribuables sénégalais et devant servir exclusivement à l’intérêt général». Il conclut : «je ne doute point que vous y attellerez avec efficacité, sans tambour ni trompette mais avec sérénité et célérité».
Installés hier, les membres du Pool judiciaire financier ne peuvent cependant par rejoindre leurs locaux. Selon certaines informations, une partie sera logée au niveau du Tribunal de Pikine – Guédiawaye où les anciens occupants sont en train de déménager sur la Vdn 3. Les magistrats du Pjf restent à l’écoute des autorités qui ne leur ont pas encore officiellement indiqué leurs nouveaux bureaux. Le démarrage effectif sera un peu retardé.
Alassane DRAME
Me ALY FALL, BATONNIER ELU SUR LE PJF
Le barreau assurera sa fonction de veille par rapport au respect des droits des mis en cause
«Ce Pool judiciaire financier a été installé suite à la loi du 2 août 2023 qui a été votée. Pour être honnête, c’est une bonne chose, parce que, vous l’aurez constaté, sur ces infractions, c’est l’Etat la partie civile. L’Etat, c’est nous. Ces infractions peuvent vraiment faire mal à une économie parce qu’elles peuvent saper les fondements du développement. Et même les questions sécuritaires se posent parce que ces juridictions poursuivent aujourd’hui des financements relatifs au terrorisme ; même des questions de sécurité nationale se posent. Donc c’est une bonne chose que ce soit des magistrats exclusivement dédiés à la poursuite de ces infractions qui sont installés. Le barreau, en tant qu’acteur judiciaire, veillera à ce que cette loi soit appliquée de façon efficace, parce que c’est la loi. Le barreau accompagnera ce mouvement. Mais, il assurera aussi sa fonction de veille, par rapport au respect des droits des mis en cause, parce que, comme vous le savez, un procès équitable c’est important pour que la décision qui en est issue soit crédible. Je suis optimiste parce qu’en réalité, tout le monde parle de reddition des comptes, c’est une demande sociale. «Le fait qu’il y ait des juridictions spécialisées logées au niveau de la Cour d’appel ou du Tgi, c’est une excellente chose. Ce qu’il faut remarquer, c’est que rien ne change si ce n’est qu’elles sont spécialisées. Il n’y a pas de raison qu’on ne soit pas optimiste. Maintenant on verra à l’épreuve, à la pratique ce que cela va donner».
A.D