INÉLÉGIBILITÉ DE OUSMANE SONKO : L’emprisonnement, la seule arme du pouvoir




 
 
Au Sénégal, actuellement, il y a ceux qui font de la haute politique et ceux qui sont dans l’émotion. Evidemment, ceux qui font de la haute politique passent par les sentiments des gens pour arriver à leurs fins. Le cas Sonko est de ceux-là. L’Etat se cramponne à sa volonté de le maintenir dans les liens de la détention, avec comme conséquence son inéligibilité à cause de la contumace. Les stratèges du président de l’ex-Pastef, quant à eux, se donnent tous les moyens pour l’en sortir. Objectif : le rendre éligible.
 
 
 
Les informations sur l’état de santé et les conditions dans lesquelles se trouve Ousmane Sonko diffèrent, selon la source. Si ses épouses, ses alliés politiques et ses avocats décrivent une situation apocalyptique, les tenants du pouvoir quant à eux jurent qu’ils ne font que du cinéma et que sa situation n’est pas aussi alarmante que ses partisans et proches veulent bien le décrire.
Mais tout cela n’a qu’un but : maintenir en prison le leader de l’ex-Pastef Les Patriotes ou l’en sortir.
 
 
L’affaire Prodac : aucun intérêt pour son inéligibilité, sauf… en cas de contrainte par corps
 
 
 
Si l’Etat, pour ne pas dire le régime, se cramponne à son emprisonnement, c’est qu’il n’a qu’une seule idée derrière la tête : rendre Ousmane Sonko inéligible. En effet, indique un éminent juriste, le maire de Ziguinchor ne peut pas être recalé pour l’affaire Mame Mbaye Niang. Il donne l’exemple du maire de Dakar. « Barthélemy Dias, condamné dans l’affaire Ndiaga Diouf à deux ans dont 6 mois ferme, est toujours suspendu à la décision définitive de la Cour suprême. Donc Ousmane Sonko, condamné à 6 mois avec sursis, peut dormir tranquille. Si jusqu’à présent, la haute Cour n’a pas statué sur l’affaire Barthélemy Dias, on voit mal comment elle peut sauter tous les dossiers qui sont sur sa table depuis des années pour statuer sur l’affaire Ousmane Sonko/Mame Mbaye Niang », explique le spécialiste sous le sceau de l’anonymat. Conséquence, conclut-il : « l’affaire Prodac ne présente légalement aucun intérêt pour l’inéligibilité de Ousmane Sonko ».
Tout de même, notre interlocuteur précise : « s'il y a un intérêt à attacher à cette condamnation dans l’affaire Prodac, c’est que le pourvoi du prévenu a pour objet de faire anéantir, avec peu de chance d’ailleurs pour ne pas dire aucune, les dommages et intérêts qui, une fois la décision devenue définitive, permettraient à la partie civile éventuellement d’exercer la contrainte par corps si le condamné refuse de payer ».
 
 
 
Sa détention pour son inéligibilité
 
Par contre, enseigne notre interlocuteur, l’inéligibilité demeure après le jugement dans l’affaire Sweet Beauté. « L’article 29 en son tiret (-) 4 est sans équivoque. L’état de contumace rend inéligible. Pour lever cet obstacle de droit, le contumax doit être arrêté ; à défaut, qu'il se constitue prisonnier.
Et c’est là que le jeu du chat et de la souris a tourné en faveur du ‘’régime-pouvoir’’. En effet, après l’avoir barricadé pendant plus de 50 jours, l’Etat a profité de la plus petite occasion qui s’est offerte à lui (vol de téléphone portable) pour l’arrêter et lui faire porter tous les péchés d’Israël. Et à partir de là, chaque partie a interprété la loi selon sa convenance.
Ousmane Sonko, ses juristes (les brillants Amadou Bâ, Ayib Daffé…) et ses avocats ont estimé que la contumace était anéantie. Le leader de l’ex-Pastef, depuis la prison, a même écrit au Greffier en chef du tribunal de Grande instance Hors Classe de Dakar s/c du Procureur de la République près du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Dakar un acte de non acquiescement au jugement rendu dans l’affaire qui l’oppose à Adji Sarr.  
Pour leur part, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, de même que le procureur de la République, a indiqué que la contumace existe toujours d’autant qu’il a été arrêté dans le cadre d’une autre affaire.
Toute cette polémique n’a qu’un seul objectif : l’éligibilité et/ou l’inéligibilité du leader de l’ex-Pastef.
Et pour cela, nous informe-t-on, l’Etat fera tout pour le maintenir en prison. En effet, indique notre source, l’Etat n’a que cette arme pour le rendre inéligible. « On va se cramponner sur la contumace pour déclarer son inéligibilité (ndlr : ce qui est déjà fait). On n’a pas d’autre arme. Parce que si on le laisse partir, il pourra rester quelque temps avant de revenir se constituer prisonnier dans le cadre de l’affaire Sweet Beauté. Et il aura 10 jours pour acquiescer au jugement ou pas. S’il n’acquiesce pas, le jugement est repris ».
Arguments que confirme notre interlocuteur juriste. « Si le contumax se constitue prisonnier et s’il n’acquiesce pas à son jugement dans les 10 jours, aucune autorité administrative ne serait fondée à le radier des listes électorales et sa candidature, si elle était suspendue seulement à cet élément, devient recevable », assure-t-il. Notre interlocuteur d’indiquer : « à partir de sa cellule, à supposer qu'il y est maintenu, il pourrait battre campagne. Une situation inédite, certes, mais bien possible », a laissé entendre notre interlocuteur.
Ces éléments sont pris en compte par les conseils et conseillers du leader de l’ex-Pastef qui insistent sur sa maladie afin qu’il soit libéré. Dans ce cas, il pourra, après quelques jours de repos et de soins, se constituer prisonnier, écrire un autre acte de non-acquiescement au jugement et être éligible.
 
 
 
Baye Modou Sarr
 
 
 
LES ECHOS

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