INCULPÉ PUIS ACQUITTE DANS L’AFFAIRE DE LA DROGUE SAISIE AU PORT : Ibrahima Thiam Toubey revient sur ce dossier et émet des soupçons du côté de certaines autorités de l’ancien régime




 
 
 
Au mois de juin 2019, la douane avait informé dans un communiqué d’une saisie au port de Dakar de plus de 238 kilogrammes de cocaïne. L’affaire avait fait les choux gras de la presse. Dans un temps voisin, plusieurs autres saisies ont été faites et des Sénégalais ont été interpelés, inculpés et placés sous mandat de dépôt. Parmi eux, Ibrahima Thiam Toubey. Soupçonné d’être le cerveau de la bande, c’est pourtant lui qui s’est rendu au cabinet du Doyen des juges d’instruction. Sûr de son innocence. Il sera, cependant, inculpé et placé sous mandat de dépôt. Quatre ans et cinq mois plus tard, il a blanchi. Ayant énormément perdu pour une affaire dont il a juré n’avoir rien à y voir, Ibrahima Thiam Toubey révèle qu’il y a des autorités douanières de l’ancien régime qui en savent beaucoup sur cette affaire, s’ils ne sont pas impliqués. Toubey souhaiterait que les nouvelles autorités rouvrent le dossier.
 
 
 
Le 26 août 2019, Ibrahima Thiam Toubey s’est rendu de son propre chef au cabinet du Doyen des juges d’instruction, car il avait appris qu’il était recherché. Lorsqu’il s’acheminait au cabinet du magistrat instructeur, il avait décidé de lui dire la vérité et de prouver son innocence. C’est ce qu’il a confié au journal «Les Echos» qui l’a rencontré. Mais, le défunt Samba Sall va lui notifier son inculpation et son placement sous mandat de dépôt avec une batterie de chefs d’inculpation. Convaincu qu’il est innocent dans cette affaire de drogue pour laquelle il a été cité et recherché, l’homme ignorait surement qu’il allait passer plusieurs années en prison. Envoyé à la maison d’arrêt de Rebeuss, il sera conduit dans la zone de haute sécurité, le lendemain «pour être puni et isolé des autres», selon lui. Ibrahima Thiam Toubey va passer quatre ans et 5 mois en prison avant de humer l’air de la liberté. En janvier dernier, en effet, la Chambre criminelle, qui a jugé l’affaire, a rendu une décision d’acquittement en ce qui le concerne. Il est blanchi.
 
Le réquisitoire supplétif de Serigne Bassirou Guèye et le décès de Samba Sall retardent encore le dossier
 
 
Il s’agit, en fait, de 300 kilogrammes de drogue saisie dont 74 kilogrammes ont disparu et retrouvés plus tard dans un véhicule en provenance de la Belgique. Plusieurs autres centaines de kilogrammes vont être saisies plus tard, en des périodes pas éloignées. Il est évident que seuls les gros bonnets pouvaient être impliqués dans cette affaire. Curieusement, les autorités judiciaires avaient très vite remis en liberté les Allemands et les Italiens qui en avaient profité pour quitter le pays. Pourtant, les Sénégalais arrêtés ont vu leurs demandes de mise en liberté provisoire chaque fois rejetées. Comme si cela ne suffisait pas, leur séjour carcéral sera prolongé, car ayant terminé son enquête, le Doyen des juges avait saisi le Procureur pour un règlement définitif. Serigne Bassirou Guèye, procureur de l’époque, avait fait un réquisitoire supplétif pour demander au juge d’autres actes d’instruction. Ce qui retarde encore les choses pour les détenus sénégalais. Le décès de Samba Sall va les maintenir encore en prison. C’est huit mois plus tard que le juge Maham Diallo a été désigné à ce poste. Il va clôturer le dossier et rendre une ordonnance de renvoi pour certains et un non-lieu pour d’autres. Ibrahima Thiam Toubey a été renvoyé devant la Chambre criminelle. Acquitté, il a repris tant bien que mal ses activités. «Pendant toutes ces années, chaque jour, je réfléchissais à ce qui s’est passé. A toutes ces autorités et le rôle qu’elles ont joué dans cette affaire. Je ne parle pas seulement de certaines autorités de la douane, dont l’une a été arrêtée, pour être soupçonnée d’avoir volé les 74 kilogrammes de drogue disparu, avant d’être relaxée», nous a-t-il confié. «Je connais des autorités, notamment un frère d’une très haute personnalité de l’ancien régime, qui ne sont pas nettes dans cette affaire. J’ai même quelques éléments de preuve notamment un sms qu’il a envoyé», soutient notre interlocuteur, qui nous montre le sms avant de marteler : «j’aurai voulu que les nouvelles autorités, ces nouveaux juges et procureurs en qui j’ai confiance, ainsi que ces nouvelles autorités de la police et de la gendarmerie, jettent encore un œil sur ces dossiers». Ibrahima Thiam Toubey jure sur tous les saints qu’il est innocent dans cette affaire, mais qu’il a été sacrifié, surtout par ce frère de cette très haute autorité de l’ancien régime qu’il pensait être son ami et qui voulait protéger d’autres personnalités, précisément des autorités douanières.
 
Le frère d’une très haute autorité de l’ancien régime qui en sait beaucoup
 
 
 
Durant ses années qu’il a passées en prison, il n’a pas été le seul à souffrir, sa famille également a souffert. Aujourd’hui qu’il a été relaxé, il estime qu’il est toujours en prison. «Il y a trois semaines environ j’ai voulu partir en voyage et au niveau de l’aéroport on m’a retenu sous prétexte que je ne pouvais pas quitter le pays. J’ai brandi une attestation de jugement rendu pour qu’on me laisse partir et au retour, j’ai eu ce même problème. Donc j’estime que je ne suis pas encore en liberté», se plaint-il. En réalité, depuis huit mois que la décision est rendue, il n’arrive pas à trouver le jugement qui n’est pas encore disponible.
S’agissant de ses biens, notamment son véhicule de marque Volvo, il soutient que jusqu’à présent, il ne l’a pas récupéré. Il a écrit aux autorités pour la restitution, selon lui, mais rien. Ibrahima Thiam Toubey ne compte pas baisser les bras, il y a des mensonges et des injustices qu’il faut rétablir et réparer, selon lui.
 
Alassane DRAME
 
 
LES ECHOS

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