Alors que l’intelligence artificielle (IA) transforme profondément de nombreux secteurs dans un monde qui se numérise rapidement, son impact sur la cybersécurité, composante incontournable de la quatrième révolution industrielle, suscite cependant des inquiétudes croissantes. Dans son rapport « Global Cybersecurity Outlook 2025 » publié en janvier, le Forum économique mondial (WEF) révèle que près de 47 % des entreprises à l’échelle mondiale considèrent comme principale préoccupation l’évolution des capacités de nuisance des cybercriminels grâce à l’IA générative.
Une crainte légitime, selon Amin Hasbini, chef du centre de recherche pour les régions Moyen-Orient, Turquie et Afrique de la société de cybersécurité Kaspersky. Il explique que « les cybercriminels exploitent des modèles open source comme LLaMA ou Quant pour créer leurs propres IA génératives malveillantes, à l’image d’outils comme Evil GPT ou Wolf GPT. Ces technologies leur permettent d’automatiser des tâches complexes, comme la génération massive de fichiers malveillants ou la personnalisation de campagnes de phishing », a-t-il déclaré.
Selon les projections de Google et de la Société financière internationale (SFI), la valeur financière de l’économie numérique en Afrique pourrait atteindre 712 milliards de dollars d’ici 2050. Une croissance soutenue par l’activité du secteur privé dans plusieurs domaines notamment les télécommunications, le commerce, la banque, le transport. Cependant, la faible préparation des pays africains et par extension des entreprises africaines aux questions de cybersécurité met en péril le gain potentiel qu’indiquent Google et la SFI.
Epée, mais aussi bouclier
Mais qui dit pouvoir d’attaque accru des cybercriminels grâce à l’IA suppose aussi un effet similaire en défense pour les gouvernements et entreprises africaines. En effet, l’IA offre également à l’Afrique de nombreuses opportunités d’évoluer très vite en matière de cyberdéfense.
Selon le rapport « Nouvelles défenses, nouvelles menaces : ce que l’IA et la Gen AI apportent à la cybersécurité » publié en novembre 2024 par le Capgemini Research Institute, de nombreuses organisations dans le monde exploitent déjà cette technologie pour renforcer la protection de leurs données, de leurs applications et de leur cloud. Ces organisations estiment que l’IA est capable d’analyser rapidement de grands volumes de données, d’identifier des schémas d’attaques et de prévoir d’éventuelles violations de sécurité.
Le rapport indique que plus de 60 % des organisations de son échantillon, qui ont associé IA et cybersécurité, ont constaté une réduction de leur temps de détection des menaces d’au moins 5 %. Par ailleurs, près de 40 % ont déclaré avoir réduit leur temps de remédiation de menaces d’au moins 5 % grâce à l’intégration de l’IA dans leurs centres d’opérations de sécurité. En Afrique où l’investissement dans la cybersécurité n’est pas encore vraiment une priorité, l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) recommande un changement de mentalité.
Passer à l’action
Interpol invite les pays africains à renforcer ou à créer en urgence des cadres nationaux harmonisés pour se protéger et lutter contre la cybercriminalité en ligne. L’organisation insiste aussi sur l’importance d’investir dans les cybercapacités des forces de l’ordre, notamment à travers le développement des compétences, l’amélioration des processus et l’adoption de technologies avancées.
En parallèle, Interpol estime qu’il est essentiel de soutenir les initiatives des acteurs privés du secteur de la cybersécurité, de promouvoir l’éducation numérique et de sensibiliser les populations aux risques. Une coopération accrue entre les pays reste également primordiale pour contrer efficacement la menace mondiale que représente la cybercriminalité.
En Afrique, l’IA représente à la fois un défi pour la cybersécurité et une chance. Si le continent parvient à rattraper son retard en matière d’infrastructures, de formation et de réglementation, il pourra s’assurer un développement économique harmonieux dans l’écosystème numérique mondial.