Il avait, à la faveur d’un appel à lui fait par le président de la République, mis ses ambitions de côté pour soutenir un ami. Sauf que Souleymane Ndéné Ndiaye, malgré la réélection de son candidat, ne pense pas trop à l’après victoire. Il se refuse à se donner un statut qu’il n’a pas auprès du chef de l’Etat et à penser poste avec son ami, Macky Sall. Dans cet entretien avec «Les Échos» au lendemain de la déclaration du président qui appelle au dialogue, avec la participation des anciens chefs d’Etat Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, il dit prier vivement que Wade puisse comprendre le sens de l’appel, de la main tendue de Macky Sall.
Les Echos : Acteur de la réélection du Président Macky Sall au premier tour, vous étiez avant-hier au premier rang pour assister à son discours. Que vous inspirent les premiers mots de Macky Sall après sa réélection ?
Souleymane Ndéné Ndiaye : J’approuve le discours du président de la République dans son intégralité. Au-delà de nos divergences politiques, les gens entretiennent des relations de cordialité. Donc, il peut y avoir des points de vue divergents à l’occasion des joutes électorales, mais celles-ci passées, on se retrouve. On est une famille. Moi, Madické Niang, c’est mon ami. Il n’y a pas plus proche que moi de Madické Niang. Idrissa Seck, c’est un frère. Ousmane Sonko aussi, je le prends pour un frère. Issa Sall également, je le prends comme un frère. Ma fille a fait ses études dans son université. Quand il remettait les diplômes à ses étudiants, il m’a fait l’honneur de me convier à la table d’honneur, pour que je remette les diplômes en même temps que lui et le représentant du ministre de l’Enseignement supérieur. Je pense donc que le temps de l’élection est passée. Maintenant, c’est le temps du travail. Tous les enseignements de cette élection-là doivent être tirés aussi bien par celui qui a gagné, à savoir le président Macky Sall, par rapport à ce qu’il aurait pu faire et qu’il n’a pas fait, mais aussi par ceux qui n’ont pu gagner. Et je pense que le président a fait une une excellente chose en lançant un appel à la classe politique pour discuter du Sénégal.
Allez-vous personnellement vous investir pour que cela se réalise ?
Ça, je ne peux pas vous le dire. Si on ne me charge pas d’une mission, je ne peux pas comme un cheveu dans une soupe me mettre à aller par-ci, par-là ; je ne le ferai pas. Il faut qu’on me demande de le faire pour que je le fasse. Parce que moi, je ne me mêle que de ce qui me regarde.
Pour revenir aux élections de dimanche 24 février passé, certains vous attribuent la victoire de Benno Bokk Yakaar à Guinguinéo. Confirmerez-vous être l’acteur majeur de cette victoire, comme le font certains au sein de la coalition présidentielle ?
Non, c’est une équipe qui a gagné les élections dans la commune de Guinguinéo et dans la commune de Kaolack. A moi tout seul, je n’aurai jamais pu gagner les élections. Il a fallu la participation de tout le monde. Que ce soient les forces de l’Apr, que ce soient les mouvements de soutien et puis d’autres anonymes, parce que chacun a joué sa partition. Je n’ai été qu’un élément de cette équipe-là. Je refuse que l’on dise que c’est moi seul qui ai gagné les élections. Je n’ai pas gagné les élections.
Est-ce que ce n’est pas là une façon de jouer la carte de la modestie. Dans votre camp, certains disent en tout cas que Guinguinéo n’a jamais eu le score réalisé avec les élections passées…
Oui, mais ce n’est pas moi qui ai gagné. C’est collectivement que nous avons gagné, parce qu’on a travaillé collectivement. Quand je suis arrivé, j’ai rencontré tous les acteurs. On a travaillé ensemble et nous avons gagné ensemble. Vraiment, ce n’est pas une question de modestie. Je veux être honnête avec moi-même. Seul, je n’aurai jamais pu gagner Guinguinéo. Je ne peux pas manquer de souligner le rôle particulièrement efficace de Moustapha Ndiaye, ancien député de l’Apr de Guinguinéo, du Dr Diallo, de tous les jeunes de l’Apr (jeunes garçons comme jeunes filles). Des jeunes de Thiamong, Farabougou, Keur Macodé gare, de Palène, Campement, de Thiérer, Walo…tous ont fait un travail remarquable. Ils ont mouillé le maillot et ils ont eu comme résultats de gagner dans tous les bureaux de vote. J’ai été maire de Guinguinéo pendant 12 ans, mais seul, je n’aurai jamais pu avoir les résultats que le président Macky Sall a engrangés à Guinguinéo. Donc, il faut attribuer cette victoire-là à toute la population de Guinguinéo, à tous ceux qui ont voté pour le président Macky Sall.
Justement, c’est quoi l’avenir de Souleymane Ndéné Ndiaye, après avoir rangé vos ambitions pour votre ami Macky Sall ?
Je ne suis pas un chômeur. Je suis avocat. Que Macky Sall me donne un poste, qu’il ne me donne pas un poste, j’ai un métier. J’ai pratiqué un métier il y a une vingtaine d’années et je vivais aisément. Donc, je ne compte pas sur un poste quelconque pour pouvoir continuer à vivre. Dieu seul transmet Ses bienfaits sur les humains; donc je ne dépends que de Dieu ; je ne dépends pas du président Macky Sall. Je suis content que le président Macky Sall ait gagné, parce que j’avais fait le choix de le soutenir. Je souhaite qu’il puisse réaliser toutes les promesses qu’il a tenues au peuple sénégalais et que le Sénégal en entier, au terme de son mandat, puisse l’applaudir et dire que nous ne nous étions pas trompés en votant massivement pour lui à hauteur de 58,26%. Maintenant, je pense qu’il devra aussi faire en sorte que ces 42% qui n’ont pas voté pour lui, aussi, soient satisfaits du travail qu’il fera. Je pense qu’il aura à cœur de travailler à convaincre ceux-là qui n’ont pas voté pour lui de comprendre qu’ils n’avaient pas tout à fait raison de ne pas voter pour lui.
Quel commentaire vous inspire la position de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye, quand il dit qu’il ne va pas répondre au dialogue ?
Je ne commente pas les déclarations des uns et des autres. Chacun est libre de dire ce qu’il veut. Ce n’est vraiment pas à moi de commenter les déclarations de Massamba ou de Mademba.
Que pensez-vous de la volonté du Président Macky Sall d’associer au dialogue les Présidents Wade et Diouf ?
Je le salue ! Et je pense qu’il aurait dû depuis très longtemps s’ouvrir au Président Abdoulaye Wade. C’est son mentor, qui a tout fait pour lui. Mais l’histoire est faite de remous, de haut et de bas. Aujourd’hui que le Président Macky Sall sent le besoin de lancer cet appel-là pour un dialogue national, sous l’égide de Me Abdoulaye Wade et du Président Abdou Diouf, je pense que c’est à saluer et je l’encourage à aller dans ce sens-là. Et je voudrai que le Président Abdoulaye Wade, lui-même, comprenne qu’aujourd’hui nous tous, lui devons tout ce que nous savons et tout ce que nous pouvons. Donc, si le Président Macky Sall pense à lui pour discuter des questions du Sénégal, c’est une bonne chose. Et vivement que le Président Abdoulaye Wade le comprenne et qu’il accepte de dépasser le passé. Je sais qu’il y a un passé très lourd, mais je souhaite qu’il dépasse ce passé là pour aider le Président Macky Sall à réussir le pari de réunir la classe politique et de tomber au moins sur un accord s’agissant des prochaines échéances électorales.
Certains estiment que pour un dialogue, il y a un préalable : l’élargissement de Khalifa Sall et l’amnistie de Karim Wade…
Je ne peux pas faire de commentaire par rapport à cela, parce que ces pouvoirs-là lui incombent du point de vue de la Constitution. Donc, je ne peux pas faire de commentaire par rapport à cela.
Est-ce que Souleymane Ndéné Ndiaye serait prêt à intégrer un gouvernement si Macky Sall fait appel à lui ?
Je ne peux pas faire de commentaire par rapport à cela. Je n’ai pas de calendrier ou d’agenda, je suis Souleymane Ndéné Ndiaye ; je suis un acteur politique. J’ai 60 ans. Si j’étais dans la fonction publique, j’aurais pris ma retraite et je serais rentré chez moi là-bas à Keur Diagane Barka cultiver mes champs. Donc, je n’ai pas un projet quelconque. Voilà…
Madou MBODJ