Thierno Bocoum ne lâche plus ses ex camarades de l’opposition quant à leur désir de mettre en place plusieurs groupes parlementaires. Après avoir alerté contre un calcul politicien sur le dos des populations et rejeté l’excuse «temps de parole» entretenue par certains pour légitimer cela, l’ancien parlementaire est revenu à la charge avec cette fois beaucoup plus de virulence. Dans son nouveau texte, le président du Mouvement Agir liste et dénonce ce qu’il appelle «les trois contrevérités pour justifier la floraison de groupes parlementaires à l’Assemblée nationale». Pour Thierno Bocoum, les trois excuses entretenues par les défenseurs de l’idée de plusieurs groupes parlementaires, à savoir l’augmentation du temps de parole, le renforcement d’une présence au bureau de l’Assemblée nationale ou encore l’idée selon laquelle cela n’aura aucune incidence sur le budget de l’Assemblée nationale, ne reposent sur rien.
Les défenseurs de la pertinence de la mise en place de plusieurs groupes parlementaires sont avertis : ils devront batailler fort pour convaincre certains Sénégalais qui pensent comme l’ancien député Thierno Bocoum. Dans un nouveau texte publié hier, le président du Mouvement Agir revient à la charge.«Durant ces derniers jours, des éléments identifiés de SAV (Service Après Vente) qu’ils soient militants zélés ou chroniqueurs encartés s’attèlent à faire passer la pilule avec des arguments qui frisent l’irrespect et la moquerie face à la détresse des populations qui croulent sous le poids de la pauvreté et des difficultés de toutes sortes», a noté Thierno Bocoum.
Militants zélés et chroniqueurs encartés
Pour l’ancien député, ceux qui s’offusquaient légitimement du projet d’augmentation des députés et qui refusaient à l’opposition d’être représentée au Hcct veulent nous faire croire qu’augmenter le nombre de groupes parlementaires, avec tout ce que cela implique en termes de charges sur le dos des populations, est une excellente chose. «Les arguments, totalement bancals, sont usités tels qu’une chanson apprise en chœur, en salle de répétition», dit-il, citant d’abord l’argument selon lequel «l’augmentation des groupes parlementaires permettra d’avoir plus de temps de parole à l’Assemblée nationale».
Des arguments bancals
Ainsi, répondant que c’est faux, il assure qu’à l’Assemblée nationale, le débat législatif est libre (Art 68 al 3 RIAN). La règle est que le temps de parole est attribué aux députés (orateurs) et non aux groupes constitués. Il suffit de lever sa main pour être inscrit dans la liste des orateurs. Et cela concerne presque 99% des travaux.«Exceptionnellement, le débat est organisé par la conférence des présidents. C’est notamment le cas lors des séances de Déclaration de politique générale, le débat d’orientation budgétaire (1 fois par an)… Dans ce cas la parole est repartie en tenant compte du nombre de députés dans un groupe et non du nombre de groupe. Même les non-inscrits sont servis. Par conséquent, c’est faux de dire que le nombre de groupes peut permettre d’avoir plus de temps de parole», assure-t-il.
Le deuxième argument pour motiver la mise en place de plusieurs groupes parlementaires consiste à dire que «cette augmentation permettra de renforcer une présence au bureau de l’Assemblée nationale». Mais ça également, c’est faux, selon lui.«Les membres du bureau sont élus, en dehors du président (élu au scrutin uninominal), au scrutin de liste pour chaque fonction respectant la parité, à la représentation proportionnelle, selon la méthode du quotient électoral, calculé sur la base du nombre des députés inscrits dans chaque groupe, avec répartition des restes selon le système de la plus forte moyenne. Par conséquent, c’est le nombre de députés qui va compter et non le nombre de groupes. Diviser un grand groupe en plusieurs groupes parlementaires ne permettra pas d’avoir plus de membres du bureau puisque le nombre global de députés ne changera pas», assure-t-il.
Avant de finir avec l’argument 3 qui veut que «cela n’aura aucune incidence puisque le budget de l’assemblée nationale est déjà voté». Ce qui est également faux, dit-il encore. «Comme tout budget d’une institution, celui de l’Assemblée nationale est voté tous les ans en tenant compte des crédits nécessaires au fonctionnement de l'Assemblée nationale.Ces crédits sont déterminés par l’Assemblée en relation avec le ministre chargé des Finances et inscrits, pour ordre, au budget de l’État. Les fonds correspondants sont mis, tous les trois (03) mois, à la disposition du Trésorier de l'Assemblée nationale par le ministre chargé des Finances, à la demande de l'ordonnateur. Pour le fonctionnement des groupes parlementaires et des Commissions permanentes, des crédits sont inscrits dans le Budget de l'Assemblée nationale. (Art 17 Al 4 RIAN). Par conséquent les nouvelles charges sur le dos des populations qui seront créées par une pléthore de groupes parlementaires seront inscrites chaque année dans le budget de l’Etat et seront financées par le contribuable sénégalais jusqu’au dernier centime», persiste-t-il.
Résultat d’un honteux partage du gâteau
Par ailleurs, assure Thierno Bocoum, le fait de déclarer que les présidents de groupe pourraient faire pencher la balance à travers leur présence en conférence des présidents est l’argument le plus dangereux. «Une question aussi importante est ainsi traitée sous l’angle d’une stratégie politique spéculatrice qui coûtera cher aux populations. En effet, ce jeu visant à créer des représentants au niveau de la conférence des présidents pour avoir une majorité de membres présents risque d’entraîner un éventuel mimétisme. Si chaque coalition se divise en plusieurs groupes pour être majoritaire au sein d’un organe non délibérant, c’est le peuple sénégalais qui en pâtira. Et inutilement», a-t-il encore fait savoir, disant que les nouveaux députés (de l’opposition) doivent donner le bon exemple face à une «majorité» qui a déjà montré ses limites dans la gestion de l’Assemblée nationale durant les deux dernières législatures. «La création de plusieurs groupes parlementaires ne serait finalement que le résultat d’un honteux partage du gâteau», conclut-il.
Sidy Djimby NDAO