Après avoir recueilli les propositions des acteurs politiques, le ministre de l’Intérieur a sorti l’arrêté fixant le montant de la caution pour les élections locales. Il faut donc 10 millions pour chaque type d’élection et par chaque liste, quel que soit le nombre de départements ou de communes où la liste de candidats se présente. La lecture de cette disposition diffère au sein de la classe politique. Si elle est jugée astronomique par certains, d’autres pensent qu’elle est parfaitement raisonnable.
Idrissa Diallo, maire de Dalifort : «cette caution est juste un prétexte pour reporter les élections»
Le maire de Dalifort regrette l’attitude de l’Etat qui ne cherche qu’à rempoter les élections locales. «C’est tout simplement exagéré. En fixant cette caution, l’Etat vise d’autres objectifs que d’organiser des élections locales en bonne et due forme. Comment peut-on rabaisser la caution de la présidentielle, qui concerne tout le pays, avec des milliards en jeu, à 30 millions, celle des législatives, qui concernent aussi tout le pays, à 25 millions et fixer la caution des élections locales à 10 millions ?» s’interroge Idrissa Diallo.
Pour M. Diallo, il est inadmissible de passer de 0 franc à 10 millions, alors que l’on sait que la majeure partie des candidats ne pourront pas débourser ces sommes. «Il faudrait commencer à penser à mettre en exergue les valeurs. La richesse d’un homme ne devrait jamais prendre le dessus sur ses valeurs. Et avec cette somme astronomique, n’importe qui peut espérer diriger une localité, rien qu’en présentant une mallette d’argent, alors qu’il faut beaucoup plus pour diriger la destinée des populations», fulmine le maire de Dalifort, qui invite le ministre de l’Intérieur à jouer franc jeu, au lieu de tourner autour du pot. «Nous savons tous que l’objectif principal de Aly Ngouille Ndiaye n’est rien d’autre que le report de ces élections locales, donc qu’il ait le courage de poser le vrai problème, au lieu de vouloir passer par cette voie pour semer la discorde au sein de la classe politique et espérer le report de ces échéances», souligne l’édile de Dalifort.
Ass Babacar Gaye, Rewmi : «c’est exorbitant, mais puisque nous sommes en plein dialogue national, la discussion reste ouverte»
Pour Ass Babacar Gaye, la somme fixée par le ministre de l’Intérieur est exorbitante. «C’est terrible, aussi bien pour les entités politiques que pour les indépendants. Pour les partis politiques, il faut avoir au moins un conseiller dans chaque localité, sinon on perd directement la caution. A côté de cela, il y a le cas des indépendants. Pour un jeune ambitieux qui n’est intéressé que par sa localité, ce serait injuste pour lui de débourser 10 millions en guise de caution», a fait savoir M. Gaye.
Selon le mandataire du président Idrissa Seck, le débat reste ouvert au sein du dialogue national. «Le ministre de l’Intérieur avait un délai à respecter, donc il lui fallait sortir un arrêté pour fixer officiellement la caution, mais puisque nous sommes en plein dialogue, la discussion reste ouverte et nous espérons que nous parviendrons à un consensus durant nos travaux qui devront reprendre durant la semaine prochaine», annonce le chargé des élections de Rewmi.
Babacar Gaye : «c’est tout à fait raisonnable, je m’attendais à un montant beaucoup plus exorbitant»
Pour l’ancien porte-parole du secrétaire général du Parti démocratique Sénégal (Pds), cette caution fixée par le ministre de l’Intérieur est tout à fait correcte. «J’estime que 10 millions pour chaque type d’élection et pour chaque liste, quel que soit le nombre de départements ou de communes où la liste se présente, c’est très raisonnable, aussi bien pour les entités politiques que les indépendants», fait savoir Babacar Gaye.
Concernant les candidatures qui ne visent qu’une seule commune, Babacar Gaye dira que le jeu politique doit être clarifié. Il ne faudrait pas encourager qui que ce soit à faire de la politique en dehors de la politique. Pour lui, quand on aspire à diriger une commune ou un département, alors, débourser une caution de 10 millions ne devrait pas poser de problème. «On ne devrait pas encourager l’émergence des candidatures qui ne s’intéressent qu’à une localité. Ceci pourrait être porteur de danger. Cette caution pourrait nous éviter des candidatures farfelues, mais aussi mettre tout le monde au même pied», soutient l’ancien bras droit de Wade.
A moins que les élections locales se fassent dans les mêmes conditions que la dernière présidentielle, ce qui ne serait pas favorable à l’opposition, selon Babacar Gaye, elles ne pourront pas se tenir le 1erdécembre prochain. «Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il serait impossible d’organiser ces élections à date échue, mais ce qui est sûr, c’est que ce serait très difficile de tenir ces échéances ce 1erdécembre, sans qu’il n’y ait des protestations», lance M. Gaye, qui enchaine : «il nous faudrait arriver à un large consensus, ce qui nécessite nettement des efforts de tous les acteurs politiques de tous les bords, mais aussi ceux de la société civile», dit il.
Ndèye Khady D. FALL