Alors qu’il était supposé être gardé dans la zone de transit de l’aéroport Blaise Diagne, Kémi Séba a été appelé à la barre de la Cour d’appel de Dakar statuant en matière correctionnelle. L’activiste n’a donc pas répondu à l’appel du juge d’appel. Les avocats de la défense ont expliqué au juge la situation de leur client. Le Parquet, qui a portant fait appel de la décision de relaxe, a constaté que le dossier n’était pas en état, sans donner de solution pour que le prévenu puisse comparaître. Pour leur part, les avocats de la défense ont souhaité que le dossier soit jugé. Mais, en vain, le juge d’appel a renvoyé l’affaire au 27 avril.
Le 30 août 2017, l'activiste béninois Kémi Séba a été traduit devant le juge du Tribunal des flagrants délits de Dakar, pour destruction d’un billet de banque de 5000 francs ayant cours légal au Sénégal. A la barre, le procureur avait requis 3 mois de prison assortis du sursis mais le juge l'a relaxé, ainsi que son coprévenu Alioune Abatalib Sow dont le seul tort a été de remettre le briquet ayant servi à Kémi Séba à brûler le billet de banque. C'est dans ces circonstances que les autorités judiciaires qui craignaient un trouble à l'ordre public ont expulsé Kémi Séba du territoire national. Mécontent du verdict, le procureur avait interjeté appel suite à cette décision de relaxe qui a été rendue à l’endroit des prévenus.
Me Khoureyssi Bâ : «rien n'empêche la Cour ou le Procureur général d'ordonner sa comparution immédiate»
Hier, l’affaire «Kémi Séba contre ministère public» était inscrite au rôle de la Cour d’appel de Dakar. Si les avocats de l’activiste se sont présentés à la barre, cela n’a pas été le cas de leur client. Normal, puisque l'activiste Kémi Séba a été bloqué à l’aéroport dès son arrivée. Aussi, Me Khoureyssi Bâ en a profité pour déverser sa bile. Il s’est indigné de l'attitude des autorités policières qui ont abouti à la non comparution de son client Kémi Séba. «Les dispositions ont été prises pour que mon client comparaisse. Il est venu mais les autorités policières l'ont retenu à l'aéroport. J'ai fait ce que j'avais à faire, malheureusement, nous vivons une situation. Les autorités policières étaient déterminées à le refouler. Elles l'ont mis dans le même avion. Le commandant a refusé et Kemi aussi, car il est dans l'espace Cedeao. Qu'on le laisse en terre béninoise», précise Me Ba qui souligne que rien n'empêche la Cour ou le Procureur général d'ordonner sa comparution immédiate.
Me Assane Dioma Ndiaye râle : «La justice doit montrer sa souveraineté. On ne peut pas opposer une décision administrative à la justice»
Dans la même foulée, Me Assane Dioma Ndiaye a soutenu qu'«on ne peut pas sacrifier le droit de Kémi Séba». L'avocat de rappeler qu'il n'y a pas d'arrêté d'interdiction de son entrée. «C'est l'État qui a délivré une citation. Il a fait des kilomètres pour comparaitre ; on ne peut pas comprendre que l'État s'y oppose. La justice doit montrer sa souveraineté. Cette affaire peut être plaidée en fin d'audience. On ne peut pas opposer une décision administrative à la justice», tonne Me Ndiaye.
Pour sa part, Me Amadou Diallo a déclaré qu'il faut que le parquet prenne des diligences. Car, dit-il, c'est une affaire qui risque d'être une épée de Damoclès. Avant d'ajouter qu'il s'agit d'une situation particulière concernant une personne particulière.
L'Avocat général : «Même si Kémi était là, le dossier serait renvoyé car son complice n’est pas encore cité»
Pour sa part, l'Avocat général a, dans ses observations, requis que l’affaire soit renvoyée afin que soit cité le coinculpé de Kémi Séba, Alioune Abatalib Sow. «Nous sommes au niveau de la mise en état. Je m'étonne de cette passion. Dans cette affaire, le dossier n'est pas en état car la citation concernant Alioune Abatalib n'est pas rentrée. On ne peut oublier l'un. Même si Kémi était là, le dossier serait renvoyé car son complice n’est pas encore cité», indique le Parquet général.
Le juge tranche : «Je ne suis pas comptable de ce qui se passe en dehors du Tribunal»
Par ailleurs, le président de séance a précisé que la Cour ne peut pas constater la présence d'un prévenu absent à la barre. Étant du même avis que le Parquet général, le juge a renvoyé le dossier au 27 avril prochain pour citation des prévenus. «Je ne suis pas comptable de ce qui se passe en dehors du Tribunal. Ce débat n'est pas nécessaire sur la souveraineté. Même la citation de votre client n'est pas rentrée. Même si j'ordonne sa comparution, le dossier ne sera pas jugé. Il ne faut pas qu'on revienne sur certains principes. On va éviter de faire du bruit pour rien. On ne peut pas particulariser cette affaire qui est comme les autres. La Cour juge des justiciables et non des personnes particulières. Le débat sur sa comparution ne sera pas réglé aujourd'hui», lance le président.
Fatou D. DIONE