Qui de la Mauritanie ou du Sénégal bénéficie de l’accord signé au mois de février pour l’exploitation du champ gazier ? La question vaut son pesant d’or, avec les révélations de Sahara Média.
L’accord signé entre la Mauritanie et le Sénégal, le 9 février, pour l’exploitation du champ gazier offshore de «Grand Tortue-Ahmeyim» à cheval sur leur frontière commune, vient de révéler ses secrets. En effet, le contenu de l’accord c'est-à-dire les taxes, le partage des revenus entre les deux Etats et les compagnies pétrolières, restait inconnu jusqu'à ce que Sahara Médias ait pu accéder aux détails. Ceux-ci précisent le partage équitable entre les deux Etats de la production globale commune, mais les accords qui les lient aux sociétés d’exploitation diffèrent et sont difficilement comparables. En clair, Sahara Médias révèle que chaque pays obtient 50% de la production globale commune du gisement, mais les coûts de production sont prélevés sur le quota de chaque pays suivant l’accord signé avec la société chargée de l’exploitation. Nos confrères qui ont mené une enquête pointue révèlent que les deux pays ont établi les accords individuellement avec les exploitants, dans des conditions différentes, d’où deux accords différents dans leur nature.
Un accord pour deux contrats
Sur le cas du Sénégal, nos gouvernants avaient signé un accord avec une société de prospection en 2012, avant l’arrivée de la société américaine Kosmos Energy qui avait acquis les droits initialement détenus par la première société, suivie ensuite par l’entrée en ligne de British Petroleum. Par contre, la Mauritanie a signé directement avec Kosmos Energy, avant que celle-ci ne cède une partie de ses biens dans le gisement à la société britannique British Petroleum. «L’ensemble de ces dispositions ont fait que chaque pays a désormais un contrat modèle pour le partage de la production, qui encadrerait tout accord à établir avec des sociétés exploitantes, et la nature des deux accords est différente», révèle Sahara Médias.
La Mauritanie choisit la prudence…
Nos confrères ont même interrogé des experts énergétiques qui signalent que la production des champs gaziers se divisent en deux parts, la première, dite «Cost Oil» destinée à couvrir les coûts, la seconde, «Profit Oil» relative aux revenus. Ainsi La société exploitante se partage cette dernière partie avec l’Etat, suivant l’accord établi entre eux. D’ailleurs les experts exposent les différents modèles pour le partage de la production entre l’Etat et les sociétés exploitantes. L’un est lié «à la cadence de la production» qu’avait choisi la Mauritanie dans l’accord signé pour l’exploitation du champ pétrolier «Chinguitt» au début des années 2000. L’autre modèle qui est considéré par les experts comme «intelligent» est lié à la rentabilité et la viabilité du projet. Nos confrères soutiennent que des sources officieuses ont révélé que la partie sénégalaise a choisi le modèle à la cadence de la production, alors que la Mauritanie a choisi le second modèle lié à la viabilité du projet. Le choix opéré par la partie mauritanienne est basé sur son expérience antérieure avec les sociétés pétrolières internationales, lors de l’exploitation du puits pétrolier «Chinguitt». En plus, la Mauritanie se veut prudente en ce qui concerne les risques liés à l’investissement.
Le Sénégal...à ses risques et périls
Preuve que la Mauritanie ne veut pas prendre trop de risques, c’est que les accords d’exploitation du gisement de «Grande Tortue» offrent aux sociétés nationales le droit de partager les risques liés à l’investissement dans des limites déterminées. Le gouvernement de Macky Sall a permis à Petrosen de contribuer à hauteur de 20%, alors que la Mauritanie n’a autorisé, pour sa société nationale, Smhbm que 14% seulement. La volonté de la partie mauritanienne de limiter les risques a réduit la participation de sa société nationale dans le champ gazier à près de 7%, alors que la participation de la société sénégalaise a atteint 10%.
Comparant les deux accords en se basant sur les coûts de production, le média fait savoir que l’accord signé entre le gouvernement sénégalais et la société britannique BP permet à cette dernière de prélever 75% du revenu du Sénégal pour couvrir les coûts d’extraction. En plus, ce sont les 25% restants, après les coûts d’extraction, qui constituent le bénéfice net du Sénégal, que celui-ci partagera avec les exploitants selon l’accord signé entre les deux parties. Par contre, suivant l’accord signé entre le gouvernement mauritanien et la société britannique BP seuls 62% des revenus sont destinés à couvrir les coûts de production, les 38% restants, c’est-à-dire le bénéfice net de la Mauritanie, seront répartis entre elle et les exploitants. Donc le Sénégal avec la formule basée sur la cadence de production verra ses revenus augmenter chaque fois que la production augmentera ; ce qui n’est pas le cas de la Mauritanie, qui verra ses revenus augmenter chaque fois qu’il en sera de même pour la rentabilité du projet. Pour ce qui est des impôts, les sources de nos confrères soutiennent qu’ils sont de 27% en Mauritanie et seulement de 25% au Sénégal. D’autre part, les accords signés avec la société BP stipulent que tous les acquis et autres avantages indirects, comme par exemple les travailleurs, les matières premières et les services, doivent être partagés équitablement entre les deux pays.
La durée plus avantageuse pour le Sénégal que la Mauritanie
Les experts estiment que dans un proche avenir les revenus de la Mauritanie seront plus importants que ceux du Sénégal, des prévisions quasi officielles ont évoqué pour Sahara Media un taux de 15% pour la Mauritanie et 12% pour le Sénégal. Mais, poursuivent nos confrères, la Mauritanie payera les coûts d’extraction pendant une période plus longue que le Sénégal, celui-ci gagnant en termes de temps, surtout si la cadence de production venait à augmenter. Les coûts d’extraction sont payés suivant un pourcentage de la production, au taux du marché au moment de la transaction. Aussi, la Mauritanie qui paye moins aura besoin de plus de temps pour éponger les coûts d’extraction.
Samba THIAM