Il est l’un des ministères dont le passage est marqué en gras dans l’agenda des députés, surtout pour ceux de l’opposition avec ce contexte électoral. La plénière d’hier a été l’occasion d’or pour Déthié Fall de déballer tout son ressenti à Antoine Diome face à face. Le blocage de leurs listes électorales, les poursuites de la police contre les membres de sa coalition, rien n’a été laissé de côté par Déthié Fall. Il a asséné ses vérités sans sourciller au ministre de l’Intérieur. Et la majorité s’est constituée automatiquement en une horde pour lui porter une réplique bien salée.
La séance plénièrepour le vote du budget du ministère de l’Intérieur a été présidée hier par Moustapha Niasse qui pourtant se faisait rare depuis le début du marathon budgétaire.Après les questions liées aux élections, Antoine Diome a été aussi saisi sur l’insécurité, le statut des Agents de sécurité de proximité, mais il a aussi reçu beaucoup de doléances concernant les infrastructures pour l’administration territoriale.
Déthié Fall : «votre incompétence et votre manque de maturité politique maintiennent ce pays sous tension»
Il s’est d’abord attaqué à l'entente ficelée entre les groupes parlementaires qui instituent une liste de 30 intervenants dont 3 pour les non-inscrits, à chaque plénière. «Cet accord dont vous parlez n’a pas fait l’objet d’une validation au niveau des non-inscrits. Il ne me lie pas et le jour où je déciderai de parler, même l’armée ne m’arrêtera pas», lâche Déthié Fall qui se retourne par la suite vers Antoine Félix Diome en l’indexant. «Votre incompétence et votre manque de maturité politique maintiennent ce pays sous tension. Vous êtes responsable de tout ce qui arrivera lors des élections et dans les jours à venir. Vous êtes entrain de tout faire pour éliminer nos listes. Nous avons établi des listes en bonne et due forme et vous donnez instruction aux préfets de les bloquer», s’écrit Déthié Fall.
Le président du PRP de dire : «vous êtes censé être libre, mais vous êtes incapable de l’être et vous voulez que nous allions dans des élections apaisées et dans la paix. Prenez vos dispositions, dans toutes les circonscriptions électorales où nos listes ne sont pas présentes, il n’y aura pas d’élection», avertit-il.Imperturbable face aux cris et attaques de la majorité, Déthié Fall demande aussi à Antoine Diome d’arrêter de poursuivre Barthélemy Dias et Ousmane Sonko dans les ruelles de Dakar. «Dans tout le pays, on note une insécurité totale. Des citoyens sont agressés au vu et au su de tout le monde et au lieu de prendre des mesures contre cela, vous mobilisez les renseignements généraux derrière les opposants», décrie-t-il.
Aida Mbodji : «c’est vous qui instruisez l’administration territoriale sur les actes à poser : du dépôt des listes à leur acceptation ou rejet, selon vos intérêts»
Les attaques de la majorité contre Déthié Fall ne freineront pas Aida Mbodji pour dire ses quatre vérités au ministre de l’Intérieur. «Vous venez de démontrer que l’organisation des élections doit être confiée à une personne neutre. Cette organisation exclut les compétences d’un ministre de l’Intérieur partisan», dit-elle avant d’enchainer : «c’est vous qui instruisez l’administration territoriale sur les actes à poser, du dépôt des listes à leur acceptation ou rejet,selon vos intérêts. Les préfets et sous-préfetssont autorisés à accepter ou rejeter les décisions des Cours d’appel si le verdict n’est pas conforme à la première décision. Cela prouve à suffisance que les autorités administratives sont des acteurs politiques au même titre que nous», fulmine Aida Mbodji, qui prévient elle aussi que l’opposition n’acceptera jamais cette injustice. «Si vous connaissiez suffisamment le jeu politique, vous sauriez qu’il ya de ces choses qui se gèrent en consensus ou elles ne passent pas du tout. Nous voulons tous la paix, mais il est hors de question de subir votre deux poids deux mesures», dit-elle.
AbdouMbacké Dolly : «dans un pays normal, leministre de l’Intérieur ne demanderait pas aux préfets d’attaquer les décisions des Cours d’appel.. »
Le député de Bokk Gis-Gis a aussi pris la parole pour interpeller le ministre Antoine FélixDiome sur le blocage de certaines listes électorales de l’opposition.Pour Abdou Mbacké Dolly, dans un pays normal,un ministre de l’Intérieur ne devrait pas instruire les préfets et sous-préfets à introduire un recours contre la décision des Cours d’appel à propos des listes de l’opposition. «Il ya tellement d’irrégularités que l’on s’y perd. Comment pouvons-nous avoir confiance en vous si vous utilisez des postes stratégiques pour combattre l’opposition. L’agent judiciaire de l’Etat qui doit gérer le dossier des recours est un membre de l’Apr, maire de Ourossogui. Cheikh Ahmed Tidiane Bâ qui dirige la Caisse de dépôts et de consignation est candidat aux élections», fait-il remarquer avant de solliciter des explications quant à la production des cartes d’identité et cartesd’électeur.
Mamadou Lamine Diallo : «vous êtes dans l’agenda du Président Macky Sall qui a décidé de réduire l’opposition à sa plus simple expression, mais cela ne sera pas facile»
Dans la même veine, Mamadou Lamine Diallo a aussi servi des coups à Antoine Diome. «Vous êtes dans l’agenda du Président Macky Sall qui a décidé de réduire l’opposition à sa plus simple expression, mais cela ne sera pas facile, puisque vos politiques publiques produisent du chômage massif», s’écrie-t-il. Il ya une violence latente dans ce pays, selon le leader de Tekki, parce que les jeunes sont fatigués et n’ont pas de travail. Mamadou Lamine Diallo se dit perdu avec la confection des cartes d’électeur. «D’abord 5 milliards pour 5 ans et il y a encore ces 10 milliards pour un autre contrat, je ne comprends rien à ce charabia. La Cour des comptes doit se pencher là-dessus. Non seulement vous confiez nos données personnelles a des Malaisiens, mais vous versez autant d’argent, c’est louche», tonne Mamadou Lamine Diallo.
Marie Sow Ndiaye :«ces élections sont votre test grandeur, le climat actuel du Sénégal a besoin d’être apaisé..»
Embouchant la même trompette que Aida Sow Diawara, Marie Sow Ndiaye met aussi l’accent sur l’insécurité au niveau de Pikine après les combats de lutte. «Après les combats, nous n’osons plus sortir. Les agresseurs nous retrouvent jusque dans nos maisons pour nous attaquer. Il faut trouver une solution et très rapidement», exige-t-elle.La solution, pour elle, c’est de mettre au niveau de l’arène nationale une brigade,même si les commissariats de Pikine, Guédiawaye et Thiaroye font ce qu’ils peuvent. Selon cette dernière, c’est à cause de cette insécurité que les populations étaient dubitatives quant à l’érection de l’arène nationale à Pikine.L’autre point abordé, c’est la condition des Asp. Marie Sow souligne que leurs contrats prend fin cette année avant de demander au ministre de l’Intérieur ce qui est prévu pour ces derniers. «Il est vrai que je les ai pris pour une milice au début, mais force est de constater qu’ils effectuent un bon travail auprès de la police. Puisqu’ils ont servi la nation sénégalaise pendant 8 ans, il faut les sécuriser, mais aussi revoir leur salaire», dit-elle. Sur les élections, la jeune députée libérale soutient que ces dernières sont comme un test de grandeur pour Antoine Diome. «Le Sénégal a besoin d’être apaisé. Il a besoin de voir en vous, même si nous voulions une personnalité neutre, une personne qui nous éviterait de dénoncer un manque de démocratie au sortir des élections», renseigne Marie Sow Ndiaye.
Toussaint Manga : «la stabilité du pays dépendra de la bonne tenue des élections dans le respect des règles démocratiques»
Pour lui aussi, ces élections constituent le premier test pour Antoine Félix Diome. «Nous nous acheminons vers une période particulièrement importante pour la bonne marche de notre démocratie. Ces élections seront votre premier test en matière d’organisation des élections et je crois que vous mesurez la lourdeur et la grandeur de la tâche. La stabilité du pays dépendra de la bonne tenue des élections, dans le respect des règles démocratiques», a déclaré Toussaint Manga.Bifurquantsur le problème des Asp, le député libéral reconnaît lui aussi qu’il n’était pas très emballé au début du recrutement de ces derniers. «Avec le temps, je constate qu’il ya une évolution dans l’organisation des Asp. Cet emploi ne doit pas être précaire, ce poste doit permettre à l’agent de vivre décemment avec son salaire. Il faut leur conférer un statut de Corps citoyen parce qu’avec 50.000, il est quasiment impossible de réaliser quoique ce soit», dit-il.
Abdou Aziz Diop : «il faut que l’on dépasse cette conception minimaliste de la démocratie qu’on veut ramener à des élections»
Il a ouvert le bal des réponses en taxant DéthiéFall d’absentéiste qui n’a rien à dire. «Il n’est pas concevable que des gens qui s’absentent comme ils veulent réapparaissent pour dicter leur loi», prévient-il d’emblée. Pour le député démissionnaire de Liberté et Démocratie, il faut que l’on dépasse cette conception minimaliste de la démocratie qui veut qu’on ramène tout à des élections. «Des gens qui ont pleuré pour être ministre de la République reviennent ici devant l’hémicycle pour verser leur colère sur d’honnêtes gens. Concernant les listes bloquées, les préfets ont raison, les Cours d’appel ne peuvent pas juger sans détenir les éléments de défense de l’administration territoriale», affirme-t-il.
Abdou Mbow :«vous n’avez pas de leçon à recevoir surtout de ceux-là. Vous êtes un commis de l’Etat et vous avez fait vos preuves»
Pour Abdou Mbow, cette hausse notée dans le budget confirmé la volonté de l’État d’organiser les élections locales et législatives en 2022. «On ne peut pas occuper de hautes responsabilités dans ce pays et résumer sa vie à élection, rejet des listes, sous-préfets, tout en sachant qu’on ne peut plus rien gagner», lance-t-il avant d’inviter Antoine Diome à se concentrer sur l’essentiel.«Vous n’avez pas de leçon à recevoir surtout de ceux-là. Vous êtes un commis de l’Etat et vous avez fait vos preuves. La logique voudrait que l’on démissionne des postes si on sort du parti avec qui nous avons été élu. Mais au lieu de cela, on se permet d’insulter d’honnêtes personnes», tonne Abdou Mbow.
Awa Guèye : «il ne faut pas s’attarder sur certains détails ; il y a des collègues qui ne viennent que pour attaquer et insulter les ministres»
Selon Awa Guèye, il ya de ces questions que la démocratie sénégalaise a dépassé. «Vous vous êtes sûrement préparé à entendre des députés ramener la question de la personnalité indépendante pour l’organisation des élections, les recours à la Cour suprême etc. mais vous savez aussi qu’il ne faut pas s’attarder sur certains détails ; il y a des collègues qui ne viennent que pour attaquer et insulter les ministres. Continuez de leur répondre avec le sourire. Vous êtes réputé êtrecourtois et très discipliné ; alors ne vous attardez pas sur ces choses», déclare-t-elle.
Aymérou Gningue : «c’est de lâcheté de s’attaquer verbalement à une personne qui ne peut vous répondre»
Pour le président du groupe Benno Bokk Yakaar, c’est de lalâcheté de s’attaquer verbalement à une personne qui ne peut vous répondre. «Il ya des gens qui n’existent que dans les groupes. Mais qu’elles se calment, on est bientôt le 23 janvier et chacun se fera une religion. S’il y avait une possibilité de truquer des élections, ni Diouf encore moins Wade ne seraient demis. Nous avons une administration responsable et républicaine. Si on devait choisir un chantre de la démocratie pour le Sénégal, ce serait le Président Macky Sall», dit Aymérou Gningue qui demande à Antoine Diome de ne point s’inquiéter, car il aura la majorité à ses côtés pour valider tous les projets.
NdèyeKhady DIOUF