ÉRECTION D’UN IMMEUBLE R+14 DANS UNE ETROITE IMPASSE AU POINT-E: Le Collectif des riverains saisit le président de la République, vilipende le promoteur et indexe la Direction de l‘Urbanisme



 
Le Président Macky Sall ne savait pas si bien dire quand il déplorait en 2019 que l’essentiel des alertes qu’il reçoit, au quotidien, viennent à plus de 90% du foncier. Au Sénégal, en effet, il ne passe pas un jour sans qu’une dénonciation liée au foncier ne soit faite. La dernière en date est la lettre ouverte au président de la République du Collectif des riverains de la 1ère impasse Avenue Birago Diop au Point E à Dakar. Dans leur missive rendue publique, ledit collectif et son président Aimé Sène interpellent le chef de l’Etat sur le cas d’un promoteur libanais qui, accusent-ils, «défie impunément les autorités compétentes et érige un immeuble R+14 dans une étroite impasse du Point E, qui insécurise le Collectif des riverains». Estimant que cette construction est en contravention totale avec toutes les règles de l’urbanisme, le collectif qui se demande comment une institution en principe sérieuse, comme la Direction de l‘Urbanisme, a pu délivrer une autorisation de construire pour ce projet, invite le président de la République à interroger toutes les autorités administratives et judiciaires concernées, pour faire toute la lumière sur cette affaire.
 
 
 
On aura décidément tout vu tout dans ce pays et surtout quand il s’agit de foncier. En effet, depuis des années maintenant, et on ne sait pour quelle raison, des démembrements de l’Etat permettent tous les abus en autorisant des constructions les uns plus scandaleuses que les autres. Alors que le président de la République Macky Sall a émis l’idée de la mise en place d’une «brigade du foncier», des citoyens dont la sécurité est menacée l’ont interpellé. Il s’agit du Collectif des riverains de la 1ère impasse Avenue Birago Diop au Point E qui a saisi le chef de l’Etat à travers une lettre ouverte.
Le collectif, pour que nul n’en ignore, a décidé de porter à la connaissance des citoyens sénégalais et à celle du premier d’entre eux, le président de la République, Macky Sall, son combat contre la construction d’un immeuble R+14 dans cette impasse, et dont pratiquement tous les éléments ayant abouti à en autoriser la construction, sont en violation de la règlementation en vigueur en matière d’urbanisme, relative à la limitation des hauteurs de construction et des commodités de circulation et d’accès. «Ne souhaitant en aucun cas devoir un jour convoquer la fatalité, et voulant répondre avec toute la responsabilité requise, aux injonctions de nos autorités de respecter les normes en matière d’urbanisme, nous avons choisi de prévenir, plutôt que de devoir plus tard être spectateurs impuissants d’une possible catastrophe, comme il s’en produit hélas, souvent dans nos villes où trop d’immeubles ont été construits, parés des règles de l’à-peu-près, validées par des autorisations de construire, dont on est parfois en droit de douter de la régularité», note le collectif présidé par l’homme d’affaires Aimé Sène.
Selon les protestataires, «cette histoire digne de la fantaisiste et fictive République du Gondwana», débute ainsi : par l’arrêté N00000081/MCFPA du 29 novembre 2019, Djevdet Aribal pour le compte de la Société dénommée SCI 3423, a obtenu de la commune Fann-Point E-Amitié, l’autorisation de construire un bâtiment à sous-sol, plus rez-de-chaussée, plus entresol, plus onze étages, plus terrasse (SS+R+E+11+T) sur le TF N6448/DG devenu 12974/GR situé à Route de Ouakam. Au vu de la localisation de ce projet de construction, certains riverains s’inquiètent, et à juste raison, de sa probable réalisation, et alertent d’abord les autorités communales, et fondent un Collectif de riverains qui va s’atteler à circonscrire tous les éléments de ce dossier, qui rendent improbable la délivrance d’une autorisation de construire cet immeuble, venant d’une institution en principe sérieuse, comme la Direction de l‘Urbanisme. «De manière systématique, et avec des arguments irréfutables invoqués à chaque page, pour ne pas dire chaque ligne de leur dossier de protestation de cette décision, le Collectif des riverains va informer très officiellement avec à chaque fois des «accusés de réception» la Direction de l’Urbanisme, la Direction de la Protection civile, l’Inspection générale du Bâtiment, la Dscos, sans omettre d’envoyer des courriers documentés au ministre de l’Urbanisme, à celui de l’Intérieur, ainsi qu’au Préfet et au Gouverneur», note encore le collectif.
Poursuivant, le collectif qui note que cette construction est en contravention totale avec toutes les règles de l’urbanisme, se demande comment une institution en principe sérieuse, comme la Direction de l‘Urbanisme a pu délivrer une autorisation de construire pour ce projet. «Comment a-t-on pu délivrer une autorisation de construire un immeuble d’une telle hauteur, lorsque la Direction de l’Urbanisme d’une République normale et normée, est informée que la parcelle en question a comme adresse hasardeuse, voire trompeuse, l’ex Route de Ouakam, sans entrée, ni porte d’accès, alors que l’adresse réelle de la parcelle, en fait dissimulée à l’autorité compétente, est située Rue de la 1ère impasse en cul-de-sac, débouchant sur la rue de Diourbel ?», questionne-t-il.
Le collectif demande également «comment la Direction de l’Urbanisme, réalisant cette supercherie, voire même ce dol, a-t-elle pu continuer à s’entêter dans la délivrance de ce permis de construire, alors que c’est elle qui aurait dû, dans un pays normal et normé comme l’est le Sénégal, décider de l’interruption des travaux ?» ou encore «comment la Direction de l’Urbanisme a-t-elle pris sur elle d’autoriser la construction d’un tel immeuble, alors que les conditions de son accessibilité, notamment en cas de sinistre et d’incendies, étaient en contravention avec toutes les règles de sécurité exigées en la matière, dans cette impasse dont la ruelle qui n’est large que de 3 mètres ne permet pas l’accès de véhicules de secours en cas de sinistre?».
Une autre question soulevée par le collectif, c’est de savoir «comment la Direction de l’Urbanisme a-t-elle pu délivrer une telle autorisation de construire cet immeuble, alors que l’attestation de conformité de l’implantation à l’alignement, n’était pas réalisée ?».
Pourtant, selon le collectif, «plusieurs services et institutions de notre République ont fait leur travail et accompli leurs devoirs». Il assure que le ministre de l’Urbanisme, celui de l’Intérieur et le préfet de Dakar ont été informés ; la Direction de la Protection civile et la Dscos ont été saisies par le Collectif des riverains, et une commission interministérielle a décidé de la visite de sécurité du chantier. «Toutes ces institutions, à l’exception de la Direction de l’Urbanisme, ont unanimement décidé, adossé à un jugement en référé, de confier ce dossier à un cabinet d’expertise, le cabinet de conseil, de contrôle et d’expertise, (Cacex Continental), lequel, commis par le juge des référés,  n’a pas mis trop de temps pour livrer ses conclusions après avoir rencontré toutes les parties et s’être rendu sur place pour constater de visu les complaintes des riverains», lit-on dans la lettre ouverte du collectif. Et le document de revenir sur les conclusions du cabinet.
«Au vu dudit décret, la hauteur hors sol du projet devrait être étudiée par rapport aux caractéristiques de la première impasse et sa position à celle-ci et non par rapport à la Route de Ouakam. Le Cabinet commis par le juge a décrété que l’Autorisation de construire étant périmée, le promoteur devait formuler une nouvelle demande avec localisation exacte de la parcelle à savoir Dakar Point E, au Fond de la première impasse (rue des écrivains) x rue de Diourbel au lieu et place de Dakar Route de Ouakam», rapporte le collectif.
Enfin, note encore la lettre, l’expert explique que les services de l’Urbanisme doivent non seulement procéder par rapport à l’adresse exacte mais aussi faire «l’évaluation de la faisabilité technique et matérielle d’un bâtiment sous-sol plus rez-de-chaussée, plus entresol, plus onze étages, au fond de la première impasse (rue des écrivains) x rue de Diourbel, et ce au regard de la règlementation applicable en la matière».  Au final, le Cabinet Cacex signifie que «conformément au Code de l’urbanisme, si l’instruction est par rapport à la localisation de parcelle concernée, une telle autorisation de construire ne devrait pas être délivrée.»
Pour finir, le Collectif des riverains de la 1ère impasse Rue de Diourbel Point E s’interroge sur ce qui réellement empêche administrativement la Direction de l’Urbanisme d’abord d’arrêter les travaux qui continuent comme si l’impunité était assurée au promoteur, mais surtout de revoir les conditions dans lesquelles cette autorisation de construire avait été accordée, avant, pour revenir à nos normes de droit, de sursoir à la délivrance de quelque autre autorisation de poursuivre des travaux qui ne laisseraient entrevoir que future catastrophe et déni de droit et de justice. «Le Collectif des riverains de la 1ère impasse Rue de Diourbel Point E vous demande donc, Monsieur le Président de la République, sous l’attention des citoyens de notre pays, d’interroger toutes les autorités administratives et judiciaires concernées, pour faire toute la lumière sur cette affaire, et nous éviter de penser que sous nos latitudes, Urbanisme ne se confond pas avec urbanditisme et ne rime pas, sauf votre respect, avec je m’en foutisme», rapporte la lettre.
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
 
LES ECHOS

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