ENTRETIEN AVEC L’HEBDOMADAIRE JEUNE AFRIQUE: Macky Sall évoque le troisième mandat, parle de Ousmane Sonko et Abdoulaye Wade et fais de annonces



 
 
Dans un entretien à Jeune Afrique, le président de la République fait le tour. Macky Sall y aborde à la fois des questions allant de la présidence de l’Union africaine qu’il assure jusqu’en février 2023 à son désir ou non de briguer un troisième mandat, en passant par son regard sur son opposition et notamment Ousmane Sonko et Barthélemy Dias ainsi que les élections législatives qui se profilent à l’horizon, ou encore le retour du poste de Premier ministre. Macky Sall y aborde également sa nouvelle relation avec l’ancien président de la République Abdoulaye Wade, mais également son intention de réguler les réseaux sociaux. Sans oublier ses réalisations qui font sa fierté depuis qu’il est arrivé à la tête du Sénégal en 2012.
 
 
 
Il n’est certainement pas le chef d’État le plus fan des interviews, mais quand il s’y prête, il n’y va pas à moitié. Comme aiment le faire les présidents africains, Macky Sall a accordé une interview à l’hebdomadaire panafricain édité à Paris, Jeune Afrique. Pour l’occasion, c’est Marwane Ben Yahmed, Directeur de publication et fils du fondateur du journal, qui a fait le déplacement sur Dakar. Face au président en exercice de l’Union africaine, le journaliste ouvre son interview par une question sur les priorités du Président entre la relance post-Covid et la gestion d’un certain nombre de crises spécifiques sur le continent.Macky Sall répondra qu’en l’espace de deux ans, la pandémie de Covid-19 a engendré une situation économique particulièrement préoccupante, qui s’est traduite par une baisse importante de la croissance africaine, voire, dans certains cas, par des récessions.
 
 
Nomination d’un Premier ministre
 
 
Sur la nomination d’un Premier ministre, le Président a donné une réponse claire : «je désignerai un Premier ministre après les législatives de juillet». Pour lui, cela semble plus logique. «Il m’a paru plus logique d’attendre leurs résultats pour désigner le Premier ministre qui sera issu de la formation qui les aura remportées», dit-il. Et pour ce qui est du profil qu’il pourrait avoir en tête, Macky Sall dira que les profils, cela ne signifie pas grand-chose. «Inutile de faire des projections. Le moment venu, un Premier ministre compétent sera nommé et il se mettra immédiatement au travail», assure-t-il.
 
 
Majorité à l’Assemblée
 
 
Évoquant la question des élections législatives, le chef de l’État a fait savoir que même dans les pays développés, une cohabitation est rarement une réussite. Il dira par rapport à ces attentes pour ces législatives qui représentent le dernier grand test électoral avant la présidentielle de 2024, qu’il veut une nette victoire, enchainant par son bilan social comme pour motiver son désir.«(…) Le gouvernement doit avoir une majorité qui lui permette de ne pas perdre de temps. L’opposition veut une cohabitation ? Vous savez très bien que, même dans les pays développés, c’est rarement une réussite. Je ne peux imaginer un tel scénario au Sénégal. Nous sommes sous un régime présidentiel : on élit un président et on lui donne, dans la foulée une majorité pour gouverner. Le passage du septennat au quinquennat a modifié l’ordre des choses, mais ne change rien sur le fond : le Sénégal, comme l’Afrique, a besoin de stabilité», a déclaré le dirigeant sénégalais.
 
 
rapports avec ses opposants

 
 
 
Pour ce qui est de ses rapports avec ses opposants, Macky Sall rappelle que chacun a sa manière de s’opposer. «Je ne m’attarde pas outre mesure sur mes adversaires. L’essentiel, c’est que, dans une démocratie, il y ait une opposition forte. Tant que l’opposition – quelle que soit la façon dont elle se comporte – est républicaine, cela ne me pose pas de problème. J’ai moi-même été opposant, je n’ai jamais eu un mot déplacé à l’égard de ceux qui étaient au pouvoir. Cela ne m’a pas empêché de gagner les élections. Chacun son tempérament», dit-il.
 
 
3e mandat
 
 
Avant de faire la grande révélation de l’interview à propos de son souhait ou non de se présenter une troisième fois. En effet, à la question de Marwane Ben Yahmed de savoir ce qu’il compte faire alors que les Sénégalais se perdent sur ses intentions pour la présidentielle de 2024, mais aussi sur le fait qu’il pourrait ou non solliciter un nouveau mandat, Macky Sall donne pour la première fois une réponse acceptable, loin du fameux «ni oui ni non». «Je répondrai à cette question après les législatives. Il sera alors temps de fixer le cap de 2024», dit-il. Et d’enchainer : «en attendant, nous avons du travail, et guère le loisir de nous disperser».
 
Evénements de mars 2021
 
 
Interpelé sur les évènements de mars 2021, le Président dira que cet événement judiciaire a été un déclencheur. «Il faut remettre cette colère, naturelle, dans le contexte de l’époque, celui de la crise du Covid-19, du confinement et de toutes les privations endurées… Beaucoup a été fait, mais ce n’est pas suffisant parce que la population croît très vite et que l’État ne peut tout assumer. Nous devons donc développer l’entrepreneuriat, la formation professionnelle et, surtout, les financements afin que ces entreprises puissent prospérer, être sources de création d’emplois», projette le chef de l’État.
 
Relations avec Wade
 
 
 
Alors que sur ces relations avec son prédécesseur, Macky Sall dit n’avoir aucun souci avec Abdoulaye Wade. «Je n’ai aucun souci avec lui. Je me suis opposé à lui, après dix-huit ou dix-neuf ans de compagnonnage, car nous avions un différend. Cela arrive, en politique. Je l’ai battu à la présidentielle. Il est devenu mon opposant, je l’accepte tout naturellement. Aujourd’hui, tout cela est derrière nous. Notamment parce que le Président Wade est désormais un homme âgé», déclare-t-il.
 
 
Dérives des réseaux sociaux
 
 
Avant d’indiquer à propos de sa promesse de lutter contre les dérives d’internet et réguler les réseaux sociaux, qu’il ne peut être question que des gens érigent en règle intangible l’injure, le mensonge, la diffamation au motif que «c’est sur internet». «Quand vous vous comportez de la sorte dans des médias traditionnels, comme la télévision ou la radio, la justice s’applique. Il faut donc qu’elle s’applique également sur les réseaux sociaux et que la loi y soit respectée. C’est tout ce que les gens demandent», fait-il encore savoir.
Sur l’exploitation du gaz et du pétrole découverts dans le pays, il note que ce qui va changer, c’est «d’abord, la manière dont le Sénégal sera perçu sur les marchés financiers».
 
 
Conflit en Casamance
 
 
Pour ce qui du trafic du bois en Casamance, le Président estime que cela a pris une ampleur inouïe et l’Etat sénégalais ne pouvait pas rester les bras croisés.  «Il ne faut pas tout confondre. Depuis dix ans, la perspective d’un règlement du conflit était réelle. Le trafic de bois a cependant atteint une ampleur inouïe, au point de décimer la forêt de Casamance. L’État ne pouvait rester les bras croisés, d’autant que, dans le cadre de cette lutte contre le trafic de bois mais aussi contre le trafic de drogue, un détachement sénégalais de la Cedeao positionné en Gambie a été pris en otage par des rebelles. Je ne pouvais l’accepter. L’armée a donc démantelé toutes les bases que nous avions laissé prospérer depuis trop longtemps. Nous avons d’ailleurs découvert des quantités industrielles de culture de chanvre indien... À ceux qui ne s’adonnent pas à ces trafics, nous avons dit : ‘’on dépose les armes, on fait la paix et on vous réinsère’’. Nous sommes toujours dans cette disposition d’esprit. On ne cherche pas un vainqueur ou un vaincu. Je l’ai déjà dit : la Casamance, c’est le Sénégal. Nous tendons la main à tous les membres du Mfdc qui ont le courage et la volonté de faire la paix», assure-t-il. Avant d’évoquer les réalisations et réformes qu’il aimerait que les Sénégalais retiennent de lui lorsque qu’il quittera le pouvoir.
 
Réalisations
 
 
«Beaucoup me tiennent à cœur. J’ai créé une nouvelle ville, sortie de nulle part : Diamniadio. Le Train express régional est un autre motif de fierté, car c’est un projet structurant, qui révolutionne nos transports publics et nous projette vers la modernité. Il y a aussi tout ce qui a été fait en milieu rural, dont on ne parle pas souvent, mais qui a changé fondamentalement la vie dans ces territoires : l’accès à l’eau potable et à l’électricité, la couverture sanitaire universelle... C’est moins visible qu’un pont ou qu’une autoroute, mais c’est le fondement de notre politique sociale. En matière de santé, nous avons fait un bond qualitatif important, notamment en matière de plateaux médicaux. Pendant la pandémie de Covid-19, la construction du Centre des maladies infectieuses et tropicales a été une très belle réalisation : c’est «un hôpital dans l’hôpital» qui pourra faire face à n’importe quelle pandémie. Nous avons également développé, un peu partout, des universités modernes. Depuis l’indépendance jusqu’à mon élection, les résidences universitaires disposaient au maximum de 5000 lits. Nous en sommes à 30.000. Mais reposez-moi la question au moment de mon départ, mon travail est loin d’être achevé !», a estimé le président de la République.
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO avec Jeune Afrique
 
 
 
 
 
LES ECHOS

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