Accusé d’avoir escroqué 9 commerçants pour plus de 43 millions de francs sur des matériaux de construction, l’entrepreneur Babacar Mbaye, qui avait gagné un marché d’un montant de 40 millions au Port autonome de Dakar, a été traîné hier à la barre du juge des flagrants délits de Dakar. Sans pour autant disposer de fonds, le prévenu avait commandé des matériaux de construction, remettant à tous ses fournisseurs des chèques sans provision avec des reconnaissances de dette.
L’entrepreneur Babacar Mbaye pourrait être qualifié «d’escroc patenté», si on s’en réfère à son mode opératoire décrit par ses poursuivants, mais également par le nombre de personnes qui l’accusent de les avoir grugées. En effet, 9 commerçants ont comparu hier devant la barre des flagrants délits de Dakar, en qualité de parties civiles. Il s’agit de Massamba Diop (cousin du prévenu), Mame Mouhamadou Seck, Fallou Ndiaye (son beau-frère), Babacar Magatte Touré, Demba Sèye Guèye, Talla Guèye, Mansour Diagne et Mourtalla Ndiaye, tous des commerçants ayant des magasins de matériaux de construction. Ils avaient tous vendu du matériel de construction à l’entrepreneur qui leur avait remis des chèques en bois.
Il gagne un marché de 40 millions sans avoir le moindre sou pour l’exécuter
En fait, Babacar Mbaye avait soumissionné à un appel d’offres qu’il a finalement gagné. Il s’agit de la construction d’un bâtiment à hauteur de 40 millions au niveau du Port autonome de Dakar. Mais, il n’avait aucun sou pour effectuer les travaux. La notification du marché lui a été faite. Et l’attestation du virement d’un montant de 73 millions a été signée par la Direction des services et de l’aménagement du Port autonome de Dakar, tout comme la demande d’attestation de la réception des avenants qui s’élevait à 24 millions. Cependant, Babacar Mbaye n’avait pas de garanties bancaires parce qu’il ne remplissait pas les conditions. Il s’est alors rabattu sur les commerçants.
Un modus operandi parfait
Pour les mettre en confiance, le chef d’entreprise leur montre tous les documents afférents au marché qu’il venait de décrocher ; ou parfois il s’accompagne d’une personne qui connait le commerçant. Le poisson ayant mordu à l’hameçon, il fait sa commande de carreaux, de peinture, de chaises anglaises, entre autres matériaux de construction. Pour payer, il remet un chèque, tout en donnant une date pour récupérer l’argent, ainsi qu’une reconnaissance de dette. Ainsi, à la boutique de Mame Mouhamadou Seck, il a fait une commande pour 6 millions de francs, Demba Sèye Guèye (8 millions), Mourtalla Ndiaye (2.980.000 F), Mansour Diagne (7.420.000 F), Fallou Ndiaye (4.230.000 F), Talla Guèye (1.830.000 F), Babacar Magatte Touré (2.100.000 F), Massamba Diagne (9.080.000 F) et à Massamba Diop (798.000 F). Les chèques s’étant soldés sans provision, les commerçants lui envoient plusieurs mises en demeure qui ont été sans effet.
Comparaissant hier, Babacar Mbaye a reconnu avoir déjà une procédure pendante au niveau du juge d’instruction du 3e cabinet pour complicité d’escroquerie. S’agissant des faits qui lui ont valu sa comparution, il a dégagé en touche. En fait, pour lui, les commerçants ont exagéré sur les montants. Poursuivant, il soutient que c’est parce qu’il n’avait ni de maison ni de véhicule qu’il leur a donné en garantie ces chèques à leur demande.
Me Ousseynou Ngom charge le prévenu : «C’est une machination orchestrée, ourdie et réfléchie»
Vrai ou pas, Talla Guèye et Babacar Maguette Lo ont réclamé respectivement les sommes de 1.836.000 et 1.700.000 F. Me Ousseynou Ngom a demandé pour Demba Sèye Guèye 6.360.000 F et 2.000.000 F de dommages et intérêts, Mourtada Ndiaye 2.980.000 F et 1 million de dommages, Mansour Diagne 7.042.000 F et 3.500.000 F dommages, Fallou Ndiaye 4.230.000 F avec 3.500.000 F dommages et enfin 9 millions pour Mouhamed Ndiaye. Selon Me Ngom, l’escroquerie est constante. «C’est une machination orchestrée, ourdie et réfléchie», a plaidé l’avocat. Me Ngom a demandé au Tribunal, si toutefois il ne retient pas l’escroquerie ou l’abus de confiance, de reconnaître qu’il y a une faute civile, en application de l’article 457 du Code de procédure pénale. A sa suite, la parquetière Rokhaya Dione, après avoir sermonné le prévenu, a sollicité à son encontre l’application de la loi.
Mais, pour l’avocat de la défense, Me Idy Ciss, il n’y a aucune manœuvre frauduleuse ; l’escroquerie n’est donc pas établie, selon lui. Ainsi, il a sollicité le renvoi de son client des fins de la poursuite sans peine, ni dépens. A sa suite, Me Ndiogou Ndiaye a ajouté qu’il donne acte à l’avocat de la partie civile de sa demande de l’application de l’article 457 du Code de procédure pénale afin qu’il paye juste les sommes dues. Le délibéré est fixé à huitaine.
Fatou D. DIONE