DEUX ANS APRES LEUR ARRIVEE A DAKAR: Les anciens prisonniers de Guantanamo, les Libyens Khalifa Mohammed et Salem Abdul expulsés du Sénégal aujourd’hui



 
Arrivés au Sénégal le 4 avril 2016 en provenance de la tristement célèbre prison de Guantanamo, au bénéfice d’un «asile humanitaire», les citoyens libyens Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr et Salem Abdul Salem Ghereby vont être déportés vers leur pays d’origine, aujourd’hui. Les autorités sénégalaises en ont décidé ainsi. Une décision dont ne veulent pas entendre parler les deux ex «présumés terroristes», selon qui le retour à Tripoli est synonyme de mort.
 
Pendant plus de 14 ans, le citoyen libyen Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr a été emprisonné sans procédure régulière par les États-Unis à Guantanamo Bay. Il n'a jamais été accusé de crimes, encore moins condamné. C’est ainsi qu’après des années de torture et de mauvais traitements, Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr a été libéré et envoyé au Sénégal, en avril 2016, au bénéfice de l’asile humanitaire accordé par l’Etat du Sénégal. Ceci, après qu’un accord a été trouvé entre l’ex-prisonnier et le gouvernement des États-Unis. Un accord qui, selon l'avocat de Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr, Ramzi Kassem, «garantissait expressément que le Libyen aurait le droit de s'installer définitivement au Sénégal et de reconstruire sa vie là-bas, plutôt que d'être renvoyé en Libye».
Pourtant, selon des informations parvenues à «Les Echos», mercredi dernier, les autorités sénégalaises ont adressé aux deux Libyens (Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr et son compatriote Salem Abdul Salem Ghereby), une note en arabe les informant que les deux années de résidence autorisées dans le pays avaient expiré et qu'ils seraient déportés en Libye le 3 avril. Aussitôt, l’un d'eux, Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr, a saisi son avocat. L’avocat dit avoir peur que le Département d'Etat américain ait abandonné ses engagements lors de la libération de Khalifa.
 
Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr risque la prison en Libye
 
Une lettre des autorités sénégalaises qui, en plus de mettre sa vie en danger, passe outre les assurances données par les fonctionnaires du Département d'État américain lorsque les prisonniers ont été libérés de Guantanamo. S’exprimant dans la presse américaine, Me Kassem, l'avocat de Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr, a déclaré que sans une intervention immédiate du Département d'Etat américain pour maintenir ses engagements en mettant fin à son expulsion du Sénégal, son client est confronté à la perspective d'une mort certaine en Libye. «Mon client et moi nous sommes appuyés sur les assurances du gouvernement américain, il y a deux ans, que la réinstallation de M. Khalifa au Sénégal serait permanente et qu'il ne courrait aucun risque de rapatriement forcé vers la prison et la torture en Libye», a déclaré M. Kassem. Et d’ajouter : «Indépendamment de qui siège à la Maison Blanche, aujourd'hui, les États-Unis devraient honorer leurs promesses. Pour M. Khalifa, c'est une question de vie ou de mort». Il a ainsi indiqué qu’en plus de la détérioration des conditions de sécurité dans son pays d'origine, le statut de Khalifa en tant qu'ancien détenu de Guantanamo ainsi que son origine tribale signifiaient que le renvoi dans son pays entrainait une peine de mort presque certaine.
 
Omar Khalifa Mohammed Abu Bakr s’est fiancé à une… Sénégalaise
 
 
L’affaire est d’autant plus complexe qu’au cours des deux années qui ont suivi sa libération de Guantanamo, Khalifa, qui vit avec son compatriote, dans un immeuble que «Les Echos» a bien identifié à la Patte d’oie, a réussi à reconstruire un semblant de vie normale au Sénégal. Ce, en dépit de troubles physiques invalidants et de traumatismes psychologiques subis à la suite de sa détention. En effet, l’ex-prisonnier, apprend-on, s'est même fiancé à une femme sénégalaise et a commencé à faire des projets pour s'établir et travailler dans notre pays.
 
 
«J'ai appris à aimer le Sénégal et ses habitants. Je m'attendais à me marier ici et à faire ma vie au Sénégal»
 
 
Pendant ce temps, la Libye a sombré dans un chaos encore plus grand, après sa révolution de 2011 et une intervention militaire de l'Otan contre le gouvernement de Mouammar Kadhafi. Aujourd'hui, le pays est sous le contrôle d'un ensemble de groupes armés antagonistes, de factions politiques et de tribus qui sont souvent en conflit. Si Khalifa devait être renvoyé dans l'un des deux principaux aéroports du pays, qui sont actuellement entre les mains de tribus hostiles et de factions politiques, il serait probablement immédiatement détenu, soumis à la torture et même exécuté. «Si le gouvernement américain m'a dit il y a deux ans que je resterais temporairement au Sénégal, pour être envoyé en Libye après deux ans, quelle que soit la situation en Libye, j'aurais refusé la réinstallation au Sénégal. J'aurais même choisi de rester à Guantanamo pour la torture que la mort dans un donjon en Libye». Il ajoute : «J'ai appris à aimer le Sénégal et ses habitants. Les amis sénégalais que j'ai connus m'invitent à leurs mariages et festivités. J'ai appris sur les différentes pratiques islamiques que les gens suivent ici, y compris le soufisme. Je m'attendais à me marier ici et à faire ma vie au Sénégal, c'est toujours ce que je veux», a déclaré le Libyen à des journalistes qui ont déclaré que le Département d'Etat et les autorités sénégalaises qui ont été contactés n’ont pas voulu s’exprimer sur cette affaire. 
 
 
Sidy Djimby NDAO

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