C’est Wa Layli (la nuit) à Walfadjri (l’Aurore). Sidy Lamine Niasse est parti. A jamais. Que de symboles ! Mais surtout, quelle perte. Une perte pour le Sénégal, dont il a participé activement aux luttes démocratiques, progressistes et sociales, durant presque un demi-siècle. Quelle perte pour la presse sénégalaise, dont il est l’un des dignes précurseurs. Enfin, quelle perte pour la Umma islamique.
Wal Fadjri (l’Aurore) est tombé. C’est Wa Layli (la nuit) depuis hier matin. Sidy Lamine Niasse est parti. Le combattant infatigable a rendu les armes. Au-delà de toutes ses casquettes temporelles, Sidy Lamine Niasse était avant tout un religieux, très engagé pour la cause de l’islam. Et ce n’est guère surprenant pour un descendant de Mawlana Mame Abdoulaye Niass. Qui, en plus de l’héritage maraboutique familiale, a fait des études islamiques poussées. Son combat pour la cause islamique est mesurable à son obstination à défendre la cause du peuple opprimé de la Palestine, ainsi que sa propension à monter au front, chaque fois que les intérêts de l’islam ou des peuples musulmans sont menacés dans n’importe quelle partie du monde. Son combat pour l’islam se mesurait aussi à l’aune de son attachement à la promotion de l’intelligentsia de culture et de formation arabophone, souvent marginalisée dans notre pays.
Par son œuvre, il a démontré que ceux qui sont formés à «l’école arabe», comme on dit chez nous, sont aussi dignes que ceux formés à l’école occidentale. Au plan national, il entretenait des relations particulière avec les différents chefs confrériques, incarnant un véritable trait d’union entre eux. Il était aussi très modéré dans la différenciation des principales branches islamiques : sunnites, chiites et soufis.
Un combattant constant des libertés et un acteur des luttes démocratiques et progressistes
Le nom de Sidy Lamine Niasse est incontestablement et à jamais lié aux luttes démocratiques, sociales et progressistes qu’a connues le Sénégal ces dernières décennies. Qui ne se rappelle son engagement sans faille en 2012, quand il a fallu combattre le régime Wade ? Il a toujours été au front, notamment lors de cette historique journée du 23 juin 2011. Défenseur infatigable des libertés et de la démocratie, il a été de tous les combats, risquant même de compromettre la viabilité de son outil de travail, son entreprise de presse devenue une véritable mur des lamentations pour les «sans voix». Son émission «Diine ak Diamono», qui résumait toute la personnalité multidimensionnelle de l’homme et où il s’est souvent signalé par des prises de positions fortes sur la situation politique ou socioéconomique du pays, était dans la droite ligne de ce combat patriotique et progressiste qu’il menait depuis fort longtemps. Dans un passé plus lointain, cette attitude de «révolutionnaire» lui avait valu des déboires avec le régime de Senghor, qui a même eu à l’envoyer en prison.
Des relations en dents de scie avec les différents régimes
En effet, ses idées et prises de position, souvent aux antipodes de la bienséance préconisée par Senghor, avaient fini de donner de lui l’image d’un rebelle. Surtout qu’au même moment, son grand-frère Ahmet Khalifa Niass, proche de Kadhafi, tirait à boulets rouges sur la France, dont il a eu même à brûler le drapeau. Sidy Lamine Niasse connaîtra une meilleure fortune avec Abdou Diouf. Il a beaucoup contribué à huiler les relations entre le Sénégal et les pays de la péninsule arabique. D’ailleurs, on lui attribue beaucoup de mérite dans le choix du Sénégal pour abriter le premier sommet de l’Oci en 1991. Et le Président Diouf l’a élevé au grade de Chevalier de l’Ordre du Mérite sénégalais en 1995.
Avec Wade, qu’il a aidé dans le dossier du nucléaire iranien, les relations n’ont jamais été au beau fixe. C’est sous Wade que son groupe de presse a été attaqué et saccagé par des disciples de Serigne Modou Kara, même si l’État a reconnu par la suite sa responsabilité dans ces malheureux évènements. Malgré des relations en dents de scie, c’est le Président Wade qui préside l’inauguration du siège de son groupe de presse (1eravril 2010), et un an après, Sidy Lamine mène la guerre au chef de l’État et son régime, avec son fameux appel du 19 mars, à la place de l’indépendance.
Avec l’avènement du Président Sall, Sidy Lamine Niasse a gardé sa position de «contre-pouvoir», même si, de l’autre côté, on l’a souvent vu en élément «contre le pouvoir». Comme avec Wade, ses relations avec le nouveau régime et son chef vont connaître des hauts et des bas. Le point culminant de la discorde a été atteint au moment du référendum, modifiant la Constitution. Il a dénoncé la décision du chef de l’État et rallié le camp du «Non». N’empêche, en 2015, lorsque Wade a voulu organiser une contre-manifestation, à l’occasion de la conférence de la Francophonie, Sidy Lamine a aidé à désamorcer la bombe.
Un pionnier de la presse qui a bâti l’empire «Walfadjri» à la force de ses convictions
Religieux attaché à la défense de la cause de l’islam et des musulmans, combattant des libertés et de la démocratie, Sidy Lamine Niasse était aussi et surtout un monument de la presse nationale. Dans ce domaine, il a sans doute réalisé un des plus belles œuvres de sa vie. D’un bimensuel en 1984, il passe à un hebdomadaire en 1987, puis à un semi-quotidien (3 parutions la semaine) en 1971 et enfin à un quotidien en 1993. Viendra ensuite en 1997 la radio Walf Fm, suivie de la télévision Walf Tv et du site Walf Net. Ainsi, s’achève le projet d’un groupe médiatique (télé, radio, journal papier, site Internet…), qui estune véritable «université» d’application et de perfectionnement des jeunes journalistes, dont plusieurs font aujourd’hui partie de la crème du métier au Sénégal.Le chemin a été long et difficile, si l’on sait que ses prises de position radicales, contre les différents pouvoirs qui se sont succédé à la tête du pays, lui ont valu souvent des déboires, des sanctions directes et indirectes, mais il a toujours tenu. Et ses réussites sont de loin plus marquantes.
Aujourd’hui, la plupart des grands noms de la presse sénégalaise sont passés entre ses mains. Mame Less Camara, Mbaye Sidy Mbaye, Tidiane Kassé, Mamadou Ibra Kane, Alassane Samba Diop, Courani Diarra, Yoro Dia, Reine Marie Faye, Toutane Diack, Bougane Guèye Dany, Babacar Fall, les animateurs vedettes, Bécaye Mbaye, Dj Boub’s…et beaucoup d’autres journalistes et animateurs de talent qui, en venant à Walfadjri, n’avaient quasiment aucune expérience, mais en sont sortis aguerris.
Auparavant, Sidy Lamine Niasse a démarré sa carrière professionnelle comme enseignant en arabe (1971-1975). Après cette première expérience dans l’enseignement, il part poursuivre ses étude à l’Université Al-Azar du Caire (Égypte), où il apprend le Droit et la Jurisprudence Islamique. A son retour au pays, en tant qu’ancien président de l’Association des étudiants sénégalais en Égypte, il mène le combat pour la réhabilitation de la langue arabe et la reconnaissance des intellectuels arabophones. Un combat qui l’a poussé dans la presse.
Mbaye THIANDOUM
Wal Fadjri (l’Aurore) est tombé. C’est Wa Layli (la nuit) depuis hier matin. Sidy Lamine Niasse est parti. Le combattant infatigable a rendu les armes. Au-delà de toutes ses casquettes temporelles, Sidy Lamine Niasse était avant tout un religieux, très engagé pour la cause de l’islam. Et ce n’est guère surprenant pour un descendant de Mawlana Mame Abdoulaye Niass. Qui, en plus de l’héritage maraboutique familiale, a fait des études islamiques poussées. Son combat pour la cause islamique est mesurable à son obstination à défendre la cause du peuple opprimé de la Palestine, ainsi que sa propension à monter au front, chaque fois que les intérêts de l’islam ou des peuples musulmans sont menacés dans n’importe quelle partie du monde. Son combat pour l’islam se mesurait aussi à l’aune de son attachement à la promotion de l’intelligentsia de culture et de formation arabophone, souvent marginalisée dans notre pays.
Par son œuvre, il a démontré que ceux qui sont formés à «l’école arabe», comme on dit chez nous, sont aussi dignes que ceux formés à l’école occidentale. Au plan national, il entretenait des relations particulière avec les différents chefs confrériques, incarnant un véritable trait d’union entre eux. Il était aussi très modéré dans la différenciation des principales branches islamiques : sunnites, chiites et soufis.
Un combattant constant des libertés et un acteur des luttes démocratiques et progressistes
Le nom de Sidy Lamine Niasse est incontestablement et à jamais lié aux luttes démocratiques, sociales et progressistes qu’a connues le Sénégal ces dernières décennies. Qui ne se rappelle son engagement sans faille en 2012, quand il a fallu combattre le régime Wade ? Il a toujours été au front, notamment lors de cette historique journée du 23 juin 2011. Défenseur infatigable des libertés et de la démocratie, il a été de tous les combats, risquant même de compromettre la viabilité de son outil de travail, son entreprise de presse devenue une véritable mur des lamentations pour les «sans voix». Son émission «Diine ak Diamono», qui résumait toute la personnalité multidimensionnelle de l’homme et où il s’est souvent signalé par des prises de positions fortes sur la situation politique ou socioéconomique du pays, était dans la droite ligne de ce combat patriotique et progressiste qu’il menait depuis fort longtemps. Dans un passé plus lointain, cette attitude de «révolutionnaire» lui avait valu des déboires avec le régime de Senghor, qui a même eu à l’envoyer en prison.
Des relations en dents de scie avec les différents régimes
En effet, ses idées et prises de position, souvent aux antipodes de la bienséance préconisée par Senghor, avaient fini de donner de lui l’image d’un rebelle. Surtout qu’au même moment, son grand-frère Ahmet Khalifa Niass, proche de Kadhafi, tirait à boulets rouges sur la France, dont il a eu même à brûler le drapeau. Sidy Lamine Niasse connaîtra une meilleure fortune avec Abdou Diouf. Il a beaucoup contribué à huiler les relations entre le Sénégal et les pays de la péninsule arabique. D’ailleurs, on lui attribue beaucoup de mérite dans le choix du Sénégal pour abriter le premier sommet de l’Oci en 1991. Et le Président Diouf l’a élevé au grade de Chevalier de l’Ordre du Mérite sénégalais en 1995.
Avec Wade, qu’il a aidé dans le dossier du nucléaire iranien, les relations n’ont jamais été au beau fixe. C’est sous Wade que son groupe de presse a été attaqué et saccagé par des disciples de Serigne Modou Kara, même si l’État a reconnu par la suite sa responsabilité dans ces malheureux évènements. Malgré des relations en dents de scie, c’est le Président Wade qui préside l’inauguration du siège de son groupe de presse (1eravril 2010), et un an après, Sidy Lamine mène la guerre au chef de l’État et son régime, avec son fameux appel du 19 mars, à la place de l’indépendance.
Avec l’avènement du Président Sall, Sidy Lamine Niasse a gardé sa position de «contre-pouvoir», même si, de l’autre côté, on l’a souvent vu en élément «contre le pouvoir». Comme avec Wade, ses relations avec le nouveau régime et son chef vont connaître des hauts et des bas. Le point culminant de la discorde a été atteint au moment du référendum, modifiant la Constitution. Il a dénoncé la décision du chef de l’État et rallié le camp du «Non». N’empêche, en 2015, lorsque Wade a voulu organiser une contre-manifestation, à l’occasion de la conférence de la Francophonie, Sidy Lamine a aidé à désamorcer la bombe.
Un pionnier de la presse qui a bâti l’empire «Walfadjri» à la force de ses convictions
Religieux attaché à la défense de la cause de l’islam et des musulmans, combattant des libertés et de la démocratie, Sidy Lamine Niasse était aussi et surtout un monument de la presse nationale. Dans ce domaine, il a sans doute réalisé un des plus belles œuvres de sa vie. D’un bimensuel en 1984, il passe à un hebdomadaire en 1987, puis à un semi-quotidien (3 parutions la semaine) en 1971 et enfin à un quotidien en 1993. Viendra ensuite en 1997 la radio Walf Fm, suivie de la télévision Walf Tv et du site Walf Net. Ainsi, s’achève le projet d’un groupe médiatique (télé, radio, journal papier, site Internet…), qui estune véritable «université» d’application et de perfectionnement des jeunes journalistes, dont plusieurs font aujourd’hui partie de la crème du métier au Sénégal.Le chemin a été long et difficile, si l’on sait que ses prises de position radicales, contre les différents pouvoirs qui se sont succédé à la tête du pays, lui ont valu souvent des déboires, des sanctions directes et indirectes, mais il a toujours tenu. Et ses réussites sont de loin plus marquantes.
Aujourd’hui, la plupart des grands noms de la presse sénégalaise sont passés entre ses mains. Mame Less Camara, Mbaye Sidy Mbaye, Tidiane Kassé, Mamadou Ibra Kane, Alassane Samba Diop, Courani Diarra, Yoro Dia, Reine Marie Faye, Toutane Diack, Bougane Guèye Dany, Babacar Fall, les animateurs vedettes, Bécaye Mbaye, Dj Boub’s…et beaucoup d’autres journalistes et animateurs de talent qui, en venant à Walfadjri, n’avaient quasiment aucune expérience, mais en sont sortis aguerris.
Auparavant, Sidy Lamine Niasse a démarré sa carrière professionnelle comme enseignant en arabe (1971-1975). Après cette première expérience dans l’enseignement, il part poursuivre ses étude à l’Université Al-Azar du Caire (Égypte), où il apprend le Droit et la Jurisprudence Islamique. A son retour au pays, en tant qu’ancien président de l’Association des étudiants sénégalais en Égypte, il mène le combat pour la réhabilitation de la langue arabe et la reconnaissance des intellectuels arabophones. Un combat qui l’a poussé dans la presse.
Mbaye THIANDOUM