CROISSANCE, DEFICIT BUDGETAIRE, RECETTES, DETTES … : Le Fmi peint tout en noir




 
 
 
Contrairement à la prévision de croissance réel du Pib de 7,1% de juin 2024, cette croissance est désormais projetée à 6%. Le déficit budgétaire devrait aussi dépasser 7,5% du Pib, bien au-delà des 3,9% prévus dans le budget initial, en raison, entre autres, de la baisse des recettes. Des recettes qui ont enregistré un manque à gagner à fin août. Quant à la dette, elle a fini par crever le plafond de verre des critères de convergence de l’Uemoa fixées à 70%. Telles sont les prévisions sombres du Fmi sur nos perspectives économiques.
 
 
 
Au terme de la mission du Fonds monétaire international (Fmi), dirigée par Edward Gemayel du 5 au 12 septembre 2024 au Sénégal, le chef de mission a dressé un tableau plus que sombre de l’économie sénégalaise, marqué par une activité économique au ralenti durant le premier semestre 2024 et des perspectives difficiles pour le reste de l’année. Des prévisions qui contrastent d’avec les perspectives de croissance annoncées par l’institution de Breton Woods en début d’année.
 
Une croissance lente du Pib de 2,3% au premier trimestre
 
« L'économie sénégalaise a enregistré une croissance plus lente que prévue au cours du premier semestre de 2024. La croissance du Pib réel s'est établie à 2,3% au premier trimestre, et les indicateurs de conjoncture suggèrent un ralentissement similaire au deuxième trimestre. Ce ralentissement reflète une activité plus faible dans les secteurs minier, de la construction et agro-industriel, et, dans une moindre mesure, dans le secteur primaire », informe Edward Gemayel, avant de se réjouir dans la foulée de la baisse de l’inflation : « l'inflation globale a ralenti pour atteindre une moyenne de 2,2% en glissement annuel au premier semestre de l'année, sous l'effet de la baisse des prix internationaux des matières premières et d'une demande intérieure modérée », ajoute le chef de mission du Fmi.
 
Un manque à gagner en termes de recettes à fin août compensé par des emprunts coûteux
 
Poursuivant, il dira que l’exécution budgétaire à fin août a révélé un manque à gagner significatif en termes de recettes, tandis que les dépenses sont restées globalement conformes aux prévisions. « En conséquence, le déficit budgétaire s'est creusé et, en raison de la faiblesse des marges de liquidités, les autorités ont eu recours à des emprunts commerciaux externes coûteux à court terme », indique-t-il.
 
La prévision de croissance de 7,1% en juin revue à la baisse et projetée à 6%
 
Loin d’en finir d’avec cette situation morose, le chef de mission du Fmi annonce que les perspectives macroéconomiques pour le reste de l'année 2024 restent difficiles. « La croissance du Pib réel est désormais projetée à 6,0%, une révision à la baisse par rapport à la prévision de 7,1% de juin 2024. La croissance du secteur non-hydrocarbures devrait ralentir à 3,3%, contre une projection antérieure de 4,8%. L'inflation globale devrait atteindre en moyenne 1,5% en glissement annuel. Le déficit du compte courant devrait se réduire à 12,7% du Pib, en raison du démarrage de la production d'hydrocarbures dans un contexte de performance modérée des exportations non-hydrocarbures », fait remarquer Edward Gemayel.
 
Le déficit budgétaire va passer de 3,9% à 7,5% du Pib
 
Dans la même dynamique, il annonce un déficit budgétaire qui va monter en flèche contrairement aux prévisions initiales. « En l'absence de mesures budgétaires supplémentaires, le déficit devrait dépasser 7,5% du Pib, bien au-delà des 3,9% prévus dans le budget initial, en raison de la baisse des recettes et de l'augmentation des dépenses en subventions énergétiques et en paiements d'intérêts », dit-il.
 
Une dette de 70% qui dépasse les critères de convergence de l'Uemoa
 
Ce qui lui fait dire que la dette de l’administration centrale devrait rester supérieure aux critères de convergence de l'Uemoa fixé à 70%. « En l'absence de mesures supplémentaires, atteindre l'objectif de déficit de l'Uemoa à 3% du Pib en 2025 prendrait plus de temps que prévu initialement », précise le chef de mission du Fmi qui encourage les autorités, dans ce contexte, à mettre en œuvre des mesures fortes, notamment, dit-il, la rationalisation des exonérations fiscales et la suppression progressive des subventions énergétiques non ciblées et coûteuses, pour assurer un retour rapide à l'objectif de déficit budgétaire et placer la dette publique sur une trajectoire résolument décroissante.
 
Payer aussi la dette des entreprises privées
 
Au-delà de ces mesures fortes préconisées, le Fmi appelle l’Etat à faire des efforts supplémentaires nécessaires pour traiter l'accumulation d’impayés envers les entreprises privées, en particulier dans les secteurs de la construction et de l'énergie. « Un inventaire de ces passifs devrait être réalisé et un plan d’apurement avec un calendrier crédible et transparent devrait être mis en place pour garantir une résolution dans des délais raisonnables », explique M. Gemayel.
 
Révision de la tarification des produits pétroliers, diagnostic des coûts de production d’électricité…
 
Le Fmi explique en outre que des efforts supplémentaires sont également nécessaires pour faire avancer le programme de réformes structurelles, notamment la révision de la formule de tarification des produits pétroliers, l'avancement du diagnostic des coûts de production de l’électricité, et l’amélioration de la viabilité financière de la société nationale d'électricité, Senelec, dans le cadre de la conception d’une nouvelle structure tarifaire de l’électricité, intégrant un tarif social destiné à protéger les ménages vulnérables.
 
Des progrès pour sortir de la liste grise du Gafi
 
De la lumière dans la grisaille ! En effet, s’agissant du secteur financier, le personnel du Fmi s'est félicité des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'ensemble des mesures recommandées par le Groupe d'action financière (Gafi) pour faciliter la sortie du pays de la « liste grise ». Ces efforts, indique le chef de mission, devraient renforcer le climat des affaires et améliorer la confiance économique globale.
 
 Des réformes vigoureuses pour remettre les finances publiques sur une trajectoire de réduction du déficit et de l’endettement public
 
Cependant, devant ces projections du Fmi qui font froid dans le dos, les autorités, note Edward Gemayel, ont réaffirmé leur engagement en faveur des réformes qui sous-tendent le programme appuyé par le Fmi. A cet effet, elles ont également renouvelé leur engagement pour la transparence, la bonne gouvernance et la responsabilité publique. « Les autorités ont informé l’équipe du Fmi que l’audit général sur les finances publiques est en cours de finalisation et que les constats et recommandations qu’il contient devraient permettre de mettre en œuvre des actions de reformes vigoureuses pour remettre les finances publiques sur une nouvelle trajectoire de réduction du déficit et de l’endettement public », informe le chef de mission.
 
Poursuivre les discussions dans le cadre du programme économique en question
 
Pour rappel, cette présence de l’équipe du Fmi au Sénégal s’explique par la poursuite des discussions entamées en juin concernant le programme économique des autorités soutenu par les accords de la Facilité élargie de crédit (Fec) et du Mécanisme élargi de crédit (Medc) du Fmi, pour un montant de 1132,6 millions de Dts (environ 1,5 milliard de dollars), combinés avec la Facilité pour la résilience et la durabilité (Frd) de 242,7 millions de Dts (environ 320 millions de dollars). Les accords Fec/Medc et Frd ont été approuvés par le Conseil d'administration du Fmi le 26 juin 2023.
 
Les 2e et 3e revues prévues en octobre
 
Dans le cadre de cette mission, l’équipe du Fmi a rencontré les plus hautes autorités en l’occurrence le président de la République, le Premier ministre, le ministre des Finances et du Budget, etc. A noter également que les discussions pour les deuxième et troisième revues, combinées, au titre des accords Fec/Medc et Frd, sont provisoirement programmées pour fin octobre 2024.
 
Moussa CISS
 
 
 
 
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