Séparément, les étudiants du public et du privé ont manifesté, avant-hier. Les premiers, pour l’ouverture du campus social, tandis que les seconds demandent à réintégrer les écoles et instituts privés d’où ils ont été renvoyés. Au même moment, l’intersyndicale du Coud menace de paralyser l’université si les salaires du mois d’octobre ne tombent pas avant la date 8 novembre.
L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad) est en ébullition. Le feu couve partout. Quelques semaines seulement après le début de l’année académique 2018/2019, le démon des revendications et de la violence refait surface. Avant-hier, lundi, le campus social du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) a été le théâtre de manifestations et de protestations. Tôt le matin, vers 9 heures, ce sont les étudiants des Ecoles et Instituts privés du Sénégal qui ont sonné l’alerte. Réclamant leur réintégration dans le système universitaire, après avoir été chassés comme des malpropres pour dettes impayées de l’Etat aux Instituts privés, ils ont barré l’Avenue Cheikh Anta Diop pour manifester leur courroux. Pendant près d’un tour d’horloge, ils ont fait la pluie et le beau temps. Les véhicules étaient obligés de faire un long détour pour rallier le centre-ville ou remonter la Vdn. Quelques minutes plus tard, ce sont leurs camarades de la Faculté des lettres et sciences humaines qui ont pris le relais. Dénonçant les lenteurs dans l’ouverture du campus social de Dakar, ils ont battu le macadam et fait monter la voix. Devant la Direction du Coud, Fallou Diop, Aly Diédhiou et autres fixent un ultimatum au ministre de tutelle, Mary Teuw Niane et au Directeur du Coud, Cheikh Oumar Hanne. Tous sont avertis. Selon eux, ces derniers seront responsables de tout ce qui adviendra au campus dans les prochaines heures. «On nous avait promis l’ouverture du campus le 2 novembre. Aujourd’hui, nous sommes le 5 novembre. Et personne ne vient nous expliquer les raisons de cette nouvelle donne. Nous leur donnons un ultimatum de 48 heures supplémentaires. Si mercredi, au matin, le campus social de l’Ucad n’est pas ouvert, nous passons à la vitesse supérieure», menace Fallou Diop. Comme s’ils s’étaient passé le mot, après les étudiants, ce sont les membres de l’intersyndicale de l’Ucad qui montent au créneau. Restés jusqu’au 18 octobre sans salaire alors que c’était l’ouverture des classes, ils alertent qu’ils ne vont plus accepter un tel traitement.
Demba Dang casse du sucre sur le dos des syndicalistes…
«Trop c’est trop. Cette situation commence à prendre des proportions inquiétantes. Aujourd’hui, 5 novembre, nous n’avons pas encore perçu nos salaires, alors que le président de la République avait pris un décret imposant le paiement des salaires avant le Magal de Touba. Une semaine après, nous sommes au regret de constater que la banque ne nous a pas encore fait notification d’un quelconque virement», a déploré Saliou Fall, Secrétaire général section Coud du Syndicat des travailleurs des établissements scolaires et universitaires (Stesu). «Si nous ne sommes pas payés le 8 novembre, on ferme l’université. Personne ne travaille. Et les responsables de cette situation seront démasqués», a-t-il martelé sous les salves d’applaudissement de ses collègues. Sans salaires depuis trois (3) mois, les travailleurs temporaires, stagiaires et vacataires crient au scandale. Et ce n’est pas cette dernière sortie des syndicalistes qui va les faire changer d’avis. Selon Demba Dang, leur porte-parole, les syndicalistes ne jouent pas franc-jeu. «Ils ont attendu de connaître des retards de salaires pour monter au créneau. Alors que nous, nous sommes restés trois mois sans salaires. Et pourtant, ils n’ont rien fait pour que la situation change», accuse-t-il, la rage en bandoulière, ajoutant au passage que leurs enfants sont renvoyés de l’école. Pis, poursuit-il, les familles vivent difficilement cette situation. Suffisant pour appeler l’arbitrage du chef de l’Etat. «Nous sommes des pères et mères de familles. Nous ne pouvons plus rester longtemps à attendre le paiement de nos salaires. Nous tirons le diable par la queue. C’est pourquoi, nous sollicitons l’implication personnelle du chef de l’Etat pour une fin à notre souffrance», prie Demba Dang.
Interpellée, la Direction du Coud reconnaît, évidemment, les dettes impayées aux repreneurs. Mais celles-ci ne seraient pas à l’origine du retard dans l’ouverture du campus social. Pour Khalifa Babacar Diagne, responsable du Département de la gestion des cités universitaires et de la vie estudiantine (Dgcuve), pour ouvrir un campus social, il faut assurer toutes les garanties de santé, restauration, hébergement…
Albino MANTANE