C’est un scandale qui ne dit pas son nom ! Pendant que les Sénégalais tirent la queue du diable pour subvenir à leurs besoins, l’or est sorti illégalement du pays. Des chiffres conséquents qui représentent un manque à gagner de taille pour de nombreux États africains. Ce manque de contrôle étatique reflète d’autres problèmes : corruption, financement de conflits armés ou violation des droits humains. L’Ong suisse Swissaid révèle que 36 à 41 tonnes d’or ont été exportées clandestinement du Sénégal entre 2013 et 2022.
Au Sénégal, l’exportation clandestine d’or a connu des proportions impressionnantes ces dix dernières années. Dans une étude diffusée ce jeudi 3 octobre 2024, l’Ong suisse Swissaid révèle en effet qu’entre 2013 et 2022, 36 à 41 tonnes d’or, d’une valeur de 2,38 à 2,71 milliards de dollars, ont été illégalement sortis du pays, soit une moyenne de 3,6 à 4,1 tonnes d’or exportées clandestinement chaque année.
Ce flux non déclaré, issu principalement de l’extraction artisanale et à petite échelle (Emape), transite par le Mali avant d’atteindre les Emirats arabes unis (Eau). La proximité de la région de Kédougou avec la frontière malienne facilite les transactions auprès d’acheteurs indépendants maliens qui proposent des prix plus attractifs que les comptoirs agréés par l’État sénégalais, note le rapport qui signale que seuls 10% de l’or artisanal passent par les circuits officiels.
L’étude révèle des écarts importants entre les volumes d’or produits et exportés, notamment en raison de la non-déclaration de l’or artisanal. Par exemple, en 2021, une différence de 2,95 tonnes a été constatée entre les chiffres d’exportation officiels et ceux rapportés par les pays importateurs.
Les écarts entre les exportations d’or des pays africains vers les Eau et les importations d’or des Eau en provenance d’Afrique en 2022 sont élevés pour la plupart des pays africains. Dans le cas de 21 pays, l’or déclaré à l’exportation comme destiné aux Eau représente moins de la moitié de l’or déclaré à l’importation aux Eau comme provenant de ce pays. Les écarts les plus élevés en termes absolus concernent le Mali, le Ghana et le Niger (les plus bas l’Egypte, le Rwanda et le Sénégal).
De 2012 à 2022, pour l’or monétaire, il a été importé en grande majorité d’Afrique du Sud et à raison de moins de 200 kg par année du Maroc, du Sénégal et du Zimbabwe.
Les exportations d’or vers l’Australie plus élevées que les données miroir
Les exportations d’or vers l’Australie rapportées par les autorités de la Côte d’Ivoire, du Mali et du Sénégal pour les années 2020-2022 et par les autorités du Ghana pour les années 2021-2022 sont toutes plus élevées que les données miroir. Le fait que ces écarts concernent plusieurs pays et plusieurs années donne à penser qu’ils découlent d’erreurs commises au niveau de la déclaration de l’or aux douanes australiennes. Contactée à ce sujet, la raffinerie The Perth Mint a indiqué que l’or qu’elle importe est déclaré aux douanes par les sociétés de transport avec lesquelles elle collabore et non par elle-même. Elle a ajouté que dans certains marchés, les volumes d’or sont indiqués uniquement en valeur et non en poids et qu’une partie de l’écart pourrait provenir de volumes calculés sur la base de valeurs mensuelles moyennes2
Les connexions bizarres des mines d’or industrielles du Sénégal
Contactée par Swissaid, The Perth Mint a confirmé ses relations d’affaires avec des mines d’or industrielles africaines. Elle a expliqué ne pas avoir raffiné d’or en provenance d’Afrique jusqu’à la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19. A cette période, les compagnies minières australiennes Resolute Mining et Perseus Mining l’ont approchée et lui ont proposé de raffiner l’or de leurs mines africaines, ce que The Perth Mint a accepté de faire. En avril 2022, la raffinerie a mis un terme à ses relations d’affaires avec les mines de Perseus Mining en Côte d’Ivoire (Yaouré, Sissingué) et au Ghana (Edikan), pour des raisons commerciales. Les approvisionnements auprès des mines de Resolute Mining, eux, sont toujours d’actualité.
En 2022, la production industrielle d’or au Sénégal a atteint 14,9 tonnes, tandis que l’exploitation artisanale, estimée entre 4 et 4,5 tonnes par an, reste peu documentée. Les exportations officielles s’élevaient à 18,31 tonnes, principalement vers la Suisse, l’Australie et les Émirats.
Samba THIAM