Le procureur de Ziguinchor avait annoncé son accord pour une contre-expertise dans l’affaire du meurtre d’Idrissa Goudiaby, mais il avait omis de préciser que ce serait selon sa volonté. Tout au moins, pour ce qui est du médecin légiste, ce n’est pas la famille qui le choisit, mais l’Ordre des médecins. Il a adressé une lettre au président de l’Ordre des médecins pour lui demander de désigner un médecin «compétent, neutre et indépendant». Ce qui a suscité l’ire de la famille de Idrissa Goudiaby, qui a répliqué au niveau de l’Ordre. Pendant ce temps, l’expertise est retardée.
Depuis le 17 juin dernier, date à laquelle, Idrissa Goudiaby a rencontré la mort, son corps n’est toujours pas enterré. D’expertise en contre-expertise, les parties ne sont pas toujours d’accord. Dernièrement, le chef du Parquet de Ziguinchor avait laissé entendre qu’il était favorable à une contre-expertise, suscitant l’enthousiasme de la famille de la victime qui s’est empressée de trouver un médecin légiste, disposé à se déplacer jusqu’à Ziguinchor pour effectuer la contre-expertise. Informé afin qu’il mette le corps à la disposition de l’homme de l’art, le procureur fait volte-face et adresse une lettre au président de l’Ordre des médecins pour solliciter la recommandation d’un médecin «qui serait neutre, indépendant et jouirait des compétences requises».
Suffisant pour provoquer la colère et l’étonnement de la famille de la victime. «Le procureur est-il en train de considérer que le médecin que la famille lui a proposé ne remplit pas ces critères, surtout que celui qui est proposé est un médecin légiste qui a des compétences en balistique ?», s’interroge, amer, Me Amadou Diallo, conseil de la famille d’Idrissa Goudiaby. «J’ai fait une lettre adressée également au président de l’Ordre des médecins pour lui demander de nous recommander ce médecin-là que nous avons proposé, s’il remplit les critères demandés par le procureur», renseigne Me Diallo.
Pour l’avocat, le procureur se doit de préciser en quoi il douterait des compétences, de la neutralité et de l’indépendance de leur médecin.«J’estime qu’il y a un risque à ce que, si le président de l’Ordre n’accède pas à notre demande et qu’un autre médecin soit désigné, les conclusions rendues par ce médecin-là fassent l’objet de suspicions légitimes de la part de la famille de la victime», prévient la robe noire. Pour Me Diallo, le procureur devait adopter cette démarche dès le début de la procédure, mais pas à ce stade. «Il ne fait que retarder la procédure avec le risque que cela comporte de la disparition de certains éléments. Je ne comprends pas objectivement quelles sont les motivations du procureur», peste Me Diallo.
Selon lui toujours, le procureur n’avait émis aucun doute quant aux conclusions du premier médecin légiste et il avait fait fi de la proposition de la famille qui a le droit de se choisir son médecin. «C’est une démarche curieuse du procureur qui, si elle aboutit, ferait poser sur les résultats de la contre-expertise des doutes sérieux», renchérit la robe noire.
Alassane DRAME