CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE LA VILLE DE DAKAR: L’Agent judiciaire conteste El Hadji Diouf et le Conseil municipal ; les avocats de la défense refusent la prise de parole à Antoine Diome et confirment la municipalité

L’audience du procès de Khalifa Sall et Cie a démarré, hier. Il n’a pas été question d’entrer dans le fond, mais plutôt de régler des questions préalables, notamment la recevabilité de constitution de partie civile de la ville de Dakar et de l’Etat du Sénégal. Et pour ce qui concerne la constitution de partie civile de la mairie, l’agent judicaire de l’Etat s’y est d’emblée opposé, au motif que le préfet, représentant de l’Etat, a fait une demande qui suspend le caractère exécutoire de la délibération par laquelle le Conseil municipal a voulu se constituer partie civile. Les débats ont été longs et du côté des avocats de la défense, on conteste la prise de parole d’Antoine Diome qui a déjà mandaté des avocats.



 
 
Antoine Diome ne veut pas voir Me El Hadji Diouf à la barre
Exclu du dossier après l’avis du bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me El Hadji Diouf est revenu par une autre porte pour se retrouver cette fois du côté de la ville de Dakar qui veut se constituer partie civile. Mais, sa constitution n’est pas passée comme lettre à la poste, puisqu’à l’entame, l’agent judiciaire de l’Etat, Félix Antoine Diome, a rejeté d’emblée sa constitution, arguant que c’est «une question d’intérêt et de déontologie» et que déjà, le bâtonnier de l’Ordre des avocats avait réglé cette question. L’agent judiciaire de l’Etat va aller plus loin, contestant cette fois la constitution de partie civile de la ville de Dakar. A l’en croire, cela ne repose sur aucune base juridique, car la délibération dont se prévalent les avocats constitués, notamment Mes El Hadi Diouf, Ousseynou Gaye, Jean Sylva et Ibrahima Diaw, est aujourd’hui attaquée par le représentant de l’Etat, en l’occurrence le préfet, qui a droit de regard et qui a envoyé des observations au Conseil municipal pour dire qu’il demande une seconde lecture, par rapport à la délibération par laquelle la municipalité a décidé de se constituer partie civile et aussi de constituer des conseils.
Pour Antoine Diome, cette demande du préfet, fondée sur l’article 243 du Code général des collectivités locales, fait que l’acte dont se prévaut le Conseil municipal, notamment la délibération, n’a pas de caractère exécutoire. Et selon lui, cette demande revêt un caractère suspensif. Dans la même veine, Me Félix Sow parle de qualité à agir. Selon l’ex-bâtonnier de l’Ordre des avocats, le représentant de l’Etat à 15 jours pour donner son avis et au-delà, l’acte devient exécutoire. Or, le préfet a demandé une seconde lecture et le Conseil municipal doit répondre à cela ; ce qui n’a pas été fait. Ainsi, selon lui, le mandant de Me El Hadji Diouf et Cie n’a pas respecté les règles. Il n’a donc aucune qualité à agir.
 
Le Procureur conteste la ville de Dakar
 
Il a promis d’être sage durant toute la journée, il l’a été. Le procureur de la République, qui s’est renforcé de 2 substituts, est resté presque silencieux jusqu’à ce qu’on lui donne la parole. Et dans ses réquisitions, il a embouché la même trompette. «J’ai un intérêt tiré de l’article 2 du Code de procédure pénale. Je demande que l’on me donne acte de ce que la mairie a subi un préjudice personnel, dans ces délits de détournement de deniers publics, d’escroquerie portant sur des deniers publics. Donnez-nous acte que les infractions leur a causé préjudice». Mieux, Serigne Bassirou Guèye s’est prévalu de l’article 171 du Code général des collectivités locales pour appuyer ses réquisitions. Selon lui, l’article règle la question en ce qu’elle dit que «c’est le maire de la ville qui représente la collectivité locale et non pas le Conseil municipal ; et qu’on ne dise pas que le maire est en prison».
 
Mes Khassimou Touré, Ciré Clédor Ly, El Hadji Diouf… ruent dans les brancards
 
En réplique, les avocats de Khalifa Sall ont rué dans les brancards pour défendre la ville de Dakar et Me El Hadji Diouf. «Tous les deniers publics ne sont pas des deniers de l’Etat, parce qu’il faut que l’on définisse la notion de deniers publics. Ici ce sont des fonds dédiés. Le Conseil municipal a bel et bien pouvoir à agir», peste Me Khassimou Touré. «C’est une question administrative, le recours doit se faire devant la chambre administrative de la Cour suprême. Le Tribunal ne peut pas refuser la constitution de partie civile de la mairie. Il appartiendra au juge d’examiner le bien-fondé», renchérit Me Bamba Cissé. Me François Sarr précise à l’attention du procureur de la République que la constitution de partie civile est juste un droit exercé au titre d’une infraction alléguée.
 
Me Diouf : «face à l’obsession d’obtenir des têtes, on perd la tête»
 
Prenant la parole pour assurer sa propre défense, Me El Diouf s’en est d’abord pris à Antoine Diome. « Soit la partie civile a un avocat et ne doit pas soulever d’exception, soit il n’a pas d’avocat. Je demande que ses observations soient écartées. Notre excellent ami parquetier, redoutable Procureur de la Crei, est venu nous récuser. Face à l’obsession d’obtenir des têtes, on perd la tête. Alors que l’Etat ne peut même pas se constituer partie civile, il vient s’opposer à notre constitution», plaide Me El Hadji Diouf sur un ton ironique. L’avocat de poursuivre, s’attaquant cette fois au préfet : «un préfet qui écrit et qui donne une décision à l’agent judiciaire de l’Etat… Les masques sont tombés ; c’est l’Etat encore qui brandit le sabre. Le préfet qui était à Thiès, connu pour sa témérité, appartient à l’époque stalinienne, celle du parti unique. C’est un préfet qui veut être gouverneur». A son tour, Me Ciré Clédor Ly est revenu sur la prise de parole de l’agent judiciaire de l’Etat qui a soulevé des exceptions. «Si l’agent judiciaire plaide sa propre cause, il devient témoin de sa propre cause ou alors il trouve avocat et c’est l’avocat qui doit parler», plaide Me Ly.
 
Me Baboucar Cissé : «neuf avocats de la défense ont pris la parole pour défendre la ville de Dakar. Il y a une connivence»
 
Répondant aux avocats de la défense, Me Baboucar Cissé a fait remarquer que 9 avocats de la défense ont pris la parole pour défendre la constitution de partie civile de la ville de Dakar. «Il y a une connivence manifeste. Il y a une complicité de détournement de deniers publics. Pour la première fois, je vois des prévenus défendre la constitution de partie civile d’une prétendue victime».
 Au final, le juge Malick Lamotte a promis de trancher cette question après avoir évacué toutes les questions portant sur la recevabilité de partie civile.
 
Alassane DRAME

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