CONDITIONS D'UTILISATION DES SERVICES ET POLITIQUE DE CONFIDENTIALITE: Orange épinglé pour non application des regles

C’est un rapport accablant que vient de faire paraître l’association Internet Sans Frontières sur Orange Sénégal. Dans un document intitulé «Droits numériques en Afrique subsaharienne : analyses des pratiques d’Orange au Sénégal et Safaricom au Kenya», Internet Sans Frontières révèle les cafards de la société de télécommunications qui foule aux pieds les normes juridiques et standards internationaux en matière de vie privée et de liberté d’expression.




 
 
 
 
 
Tout d’abord, le rapport note l’absence et l’imprécision des conditions d’utilisation des services prépayés d’Orange Sénégal. Le rapport note d’abord l’impossibilité de consulter les conditions générales d’utilisation des services d’Orange Sénégal (contrat qui unit un utilisateur de services mobiles à son opérateur. Il permet au client de savoir ce qu’il a le droit de faire sur le réseau de l’opérateur, et permet à ce dernier d’expliquer en toute transparence ce qui pourrait le conduire à suspendre le service au client, ou à supprimer du contenu publié par celui-ci. En cas de litige, ce document fera foi. C’est la raison pour laquelle il doit être accessible au client, mais également au futur client, qui pourra ainsi se faire une idée précise des politiques de l’opérateur chez qui il s’apprête à s’abonner). «Il ressort de notre analyse que les conditions générales d’utilisation des services mobile prépayés de l’opérateur Orange Sénégal ne sont pas disponibles sur le site internet www.orange.sn ni sur le site www.sonatel.com». Ce qui est «un défaut de transparence qui contraste avec les pratiques d’Orange en France». Ce manque de disponibilité et d’accessibilité des conditions générales d’utilisation de tous les services mobile d’Orange est contraire aux principes directeurs des Nations-Unies, en particulier le principe n°15, qui prévoit que «les entreprises doivent avoir en place des politiques et des procédures en rapport avec leur taille et leurs particularités» ; et le n°21 selon lequel : «pour rendre compte de la façon dont elles remédient à leurs incidences sur les droits de l’homme, les entreprises devraient être prêtes à communiquer l’information en externe, en particulier lorsque des préoccupations sont exprimées par les acteurs concernés ou en leur nom. Les entreprises dont les activités ou les cadres de fonctionnement présentent des risques d’incidences graves sur les droits de l’homme doivent faire connaître officiellement la manière dont elles y font face».
Internet Sans Frontières précise que son équipe recherche a sollicité à plusieurs reprises Orange Sénégal, ainsi que le groupe Orange pour avoir des éclaircissements sur la publication des conditions d’utilisation des services d’Orange Sénégal. «A ce jour, nos demandes sont restées sans réponse, (…) Un constat particulièrement inquiétant, dans un Sénégal où les dangers pour la liberté d’expression en ligne se multiplient», lit-on dans le rapport.
 
La liberté d’expression en ligne en danger
 
Ensuite Internet Sans Frontières s’est penché sur la liberté d’expression en ligne qui est «fragilisée au Sénégal». Citant les principes directeurs de l’Onu qui visent les entreprises, mais également les Etats dont le Sénégal (signataire des nombreux textes internationaux protégeant le droit à la liberté d’expression et ayant adopté un code des télécommunications en 2011), le rapport note l’urgence que «Orange Sénégal fasse preuve de plus de transparence sur les conditions d’utilisation de ses services». A cela s’ajoute l’absence de publication des politiques de confidentialité d’Orange Sénégal. «L’équipe de recherche a parcouru le site www.orange.sn et n’a pu identifier que la politique de confidentialité liée à l’usage du site internet d’Orange Sénégal, dans la partie “Orange Légal”, qui met à disposition les documents légaux importants», note le rapport.
 
Contraste de transparence entre Orange France et Orange Sénégal
 
Faisant une comparaison, le rapport indique qu’«il y a un contraste entre la transparence d’Orange France et les pratiques d’Orange Sénégal sur la collecte et le partage des informations sur les utilisateurs : en France, Orange s’engage au respect des obligations françaises et européennes. Au Sénégal, malgré les obligations imposées par la loi nationale, et malgré les engagements du Groupe Orange sur la vie privée, en tant que membre du Telecom Industry Dialogue et du Global Network Initiative, Orange Sénégal ne publie aucune politique de confidentialité».
Selon les vérifications faites par Internet Sans Frontières et ses partenaires à Dakar, «aucun document portant politique de confidentialité n’est remis à l’utilisateur au moment de l’activation d’une carte SIM Orange Sénégal, ou de l’ouverture d’un compte Mobile Money. Impossible donc de vérifier quelles données sont collectées, avec qui elles sont partagées, et si toutes les mesures de sécurité sont prises pour assurer que lesdites données sont à l’abri de tous tiers malveillant».
 
Silence coupable à Orange Sénégal, la Cdp dénonce, mais manque de moyens
 
Pour finir, Internet Sans Frontières révèle une source d’interrogation sur l’impact pour la vie privée des utilisateurs quand Orange Sénégal lance un nouveau produit, car, note le rapport, «leader du marché des télécommunications local, Orange Sénégal ne cesse de se développer et annonce régulièrement des nouveaux produits et services. A chaque annonce, les interrogations sur l’impact pour la vie privée sont exprimées, sans jamais vraiment recevoir de réponse adéquate». En guise d’exemple, le rapport revient sur l’annonce en décembre 2015 de la volonté du groupe Sonatel de créer un centre commun d’exploitation des réseaux de différentes filiales du groupe Orange, qui a suscité de nombreux débats. Dénommé GNOC, ce projet a pour objectif de mutualiser l’exploitation des réseaux et plateformes de services de la Sonatel (c’est-à-dire Orange Sénégal, Orange Mali, Orange Guinée et Orange Guinée Bissau), d’Orange Cameroun, Orange Côte d’Ivoire, Orange Niger, et Orange RDC.
 Une partie des discussions a porté sur la sécurité des données des utilisateurs dans le cadre de cette externalisation.
La gestion de ce nouveau centre a été confiée à la société chinoise Huawei. Or, dans son 2e avis trimestriel de l’année 2015, la Commission des données personnelles s’inquiétait des implications pour la vie privée de projets d’externalisation, comme celui du GNOC. Selon elle, «sur le plan technique, la pratique de l’externalisation reste une préoccupation pour la Commission. Cette situation constitue un défi supplémentaire pour la protection des données, en ce sens que le responsable de traitement n’a plus le total contrôle de son système d’information».
Internet Sans Frontières poursuit qu’en novembre 2016, le GNOC a été inauguré à Dakar. «Selon les informations qui nous ont été transmises lors d’un entretien avec un représentant de la Cdp, cette dernière était présente à l’inauguration, et a formé des agents de la Sonatel. Malgré des déclarations dans la presse sénégalaise, la Sonatel n’a à ce jour pas répondu clairement aux préoccupations sur la sécurité des données personnelles des utilisateurs», soutient le rapport.
 
Samba THIAM

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