Sur les 120.000 fonctionnaires en moyenne, les enseignants comptent pour 75.000, sans compter les 25.000 contractuels. C’est la précision faite par le Directeur de la solde, qui note par ailleurs que, sur une masse salariale de 633 milliards, les 320 milliards, plus de la moitié, vont aux enseignants, ceux de l’enseignement supérieur non compris. En outre, Charles Emile Abdou Ciss est revenu avec nous sur certaines questions comme les lenteurs administratives concernant par exemple le paiement des rappels, l’environnement désormais assaini de la Direction de la solde, l’indemnité de logement. Sur ce dernier point, le patron de la solde ne veut pas entendre parler d’alignement. Car, pour lui, non seulement seuls trois corps dont les enseignants ont cette indemnité, mais aussi chaque corps a ses spécificités.
Les Echos : Le nombre de fonctionnaires a souvent fait débat. Aujourd’hui, à combien sont estimés les fonctionnaires et à combien s’élève aujourd’hui la masse salariale ?
Charles Emile Abdou Ciss : Aujourd’hui, pour les agents de l’Etat, ils sont composés de deux ordres : les agents fonctionnaires et les agents non fonctionnaires. Le nombre varie en fonction des entrées et sorties. Parfois, vous avez des agents qui partent à la retraite et d’autres qui entrent, avec les recrutements. C’est pourquoi le chiffre sera assez approximatif. Si on y ajoute ceux qui sont à l’étranger, on est autour de 125.000. Sur les 120.000 agents, on a 75.000 enseignants. Et il y a 25.000 enseignants contractuels qui sont de l’autre côté, qui ne sont pas dans les 120.000 agents. Parce que les contractuels, c’est le ministère de l’Education qui les gère.
Donc les enseignants occupent plus de la moitié des agents de l’Etat…
Vous le constatez-vous même…
Au niveau du budget et de la masse salariale, quel est le poids des enseignants ?
En termes de pourcentage de budget, contrairement aux données qu’on voit parfois dans les réseaux sociaux, le secteur de l’enseignement est à 52%. Nous avons 320 milliards prévus pour le secteur de l’enseignement, sur une masse salariale de 633 milliards. Cela veut dire qu’il y a une part prépondérante du secteur de l’enseignement dans la masse salariale. Et ça, c’est en dehors de l’enseignement supérieur. Pour vous dire que, contrairement aux stéréotypes et aux clichés qui sont souvent générés, aujourd’hui, la masse salariale, vu le nombre des enseignants, penche considérablement du côté du secteur de l’éducation. Ces efforts sont continus. Tous les gouvernements qui se sont succédé ont procédé aux mêmes efforts. Et Je pense qu’il est temps qu’on puisse savoir raison garder. Nous sommes un pays en voie de développement ; un pays qui a besoin de tous ses fils, quel que soit le secteur.
Une grève qui risque de leur coûter cher, eux aussi, puisque que la tutelle a décidé de ponctionner leurs salaires…
Il faut dire que le terme ponction est souvent galvaudé, dans un sens comme dans l’autre. Maintenant, pour le concept de ponction, au sens où aujourd’hui on l’utilise, vous avez 30 jours dans le mois, en moyenne ; 25 jours selon le nombre de week-end. En réalité, lorsque vous vous absentez un, deux, trois jours, on doit le constater. Et après le constat de l’absence, on doit immédiatement procéder à la défalcation des jours pour lesquels vous n’avez pas travaillé. C’est ça la bonne règle. La loi 61/33 dispose de manière très claire que : le salaire est toujours versé après service fait. Si l’agent a travaillé durant le nombre de jours requis dans le mois, il a son salaire. Mais, lorsqu’il reste des jours sans travailler ou observe une période de grève, l’Etat doit en principe constater cette absence de service effectif et, immédiatement, procéder à la défalcation des montants en réalité qui auraient dû lui être versés, s’il avait travaillé. C’est ce qui arrive aujourd’hui (avec les enseignants). L’Etat a juste procédé à la retenue des jours pour lesquels il n’y a pas eu de travail. Et il faut dire que, sur ce point, l’Etat est un peu patient. Il y a eu des mois où il n’y a pas eu de ponction, malgré la grève.
Justement, est-ce que l’Etat n’est pas aussi trop conciliant sur ce point. Ce qui fait que les gens ont tendance à croire qu’ils ne doivent pas être ponctionnés en cas de grève…
Non, l’Etat n’est pas du tout conciliant. Mais l’Etat est un père de famille, qui doit utiliser les moyens coercitifs qui sont mis à sa disposition de manière assez intelligente. Si vous choisissez une position très radicale, ça n’a pas toujours les effets escomptés. Pour parler en langage cru, l’Etat manie la carotte et le bâton. Parfois, il faut montrer la bonne volonté de l’Etat à procéder au dégel de la situation.
L’indemnité de logement est au cœur de la lutte des syndicats enseignants. Quel est le problème réel à ce niveau ?
Je rappelle que l’indemnité de logement, en fait, n’est pas une indemnité qui est généralisée. Elle ne concerne pas beaucoup de corps, contrairement à ce que l’opinion pense. L’indemnité de logement ne concerne que les forces de défense et de sécurité, ce qui est normal, les magistrats et les enseignants. Tous les autres corps n’ont pas l’indemnité de logement. Par exemple, un médecin ne l’a pas. Les sortants de l’Enam, les inspecteurs des impôts, les inspecteurs du travail… n’ont pas l’indemnité de logement. C’est pourquoi quand j’entends le mot alignement, je me dis : alignement par rapport à qui ? J’ai l’impression que certains ne reconnaissent pas aujourd’hui les efforts que l’Etat fait. Aujourd’hui, rien que pour l’indemnité de logement, l’impact est de 20 milliards. C’est élevé. Et c’est un effort exceptionnel que l’Etat fait pour satisfaire une partie de la fonction publique.
Est-ce que l’augmentation de l’indemnité de logement peut être envisagée dans les proportions que veulent les enseignants ? C’est-à-dire un alignement avec les magistrats et les militaires ?
Non, chaque corps a ses sujétions. Aujourd’hui, l’Etat a fait une étude sur la rémunération. Cette étude-là vise à corriger les iniquités. Mais, si corriger les iniquités doit aussi renforcer ces iniquités, on se pose des questions. Ce concept-là (alignement), d’ailleurs, je ne le connais pas. Ce que je connais, c’est qu’il y a une grille salariale de la fonction publique, qui est là disponible et appliquée chaque mois. Je pense que déjà, en augmentant 25.000 (maintenant 40.000 avec l’accord trouvé hier finalement entre le chef de l’Etat et les syndicats), pour moi, c’est un net progrès.
Il y a un assainissement de l’environnement au niveau de la Direction de la solde, où des pratiques de corruption ont souvent été dénoncées. Il y a eu même le démantèlement d’un réseau composé de divers acteurs, enseignants, syndicalistes, agents de la Direction de la solde…Peut-on dire que toutes ces pratiques sont maintenant un vieux souvenir ?
Je ne saurais dire qui étaient ces auteurs…Ce que je peux dire, c’est qu’aujourd’hui, avec toutes les activités qu’on a menées, le paiement se fait de manière régulière, avec un certain ordre, avec équité et surtout avec une nette transparence. D’ailleurs, tous ceux qui sont payés le mois, à la demande des syndicats, ces informations sont publiées, même dans les réseaux sociaux. Parce qu’on nous demande d’afficher pour prouver que ces paiements sont effectifs et qu’il y a transparence. Donc nous publions tout et les agents de l’Etat trouvent beaucoup d’intérêt aujourd’hui à cette mesure. Sur le paiement des rappels, nous n’avons plus aucun problème. Si c’était le cas, les syndicats nous le diraient.
Vous avez une bonne presse au niveau des syndicats enseignants. Comment gérez-vous la collaboration avec ce secteur assez difficile ?
Nous avons des rapports de travail, des rapports qui sont très normaux et normalisés, des rapports de partage, de collaboration et d’entraide, sur les questions qui intéressent les syndicats et l’Etat. Il peut y avoir des moments de difficulté, du fait du contexte, mais nous sommes en relation, nous restons à leur écoute. Les secrétaires généraux nous appellent régulièrement, et quand leurs doléances entrent dans nos compétences, nous les prenons en charge. Nous avons un dialogue sincère, franc et constructif. Je pense que les syndicats aussi nous ont accompagné de bonne volonté dans l’amélioration des paiements dus aux enseignants.
Entretien réalisé par Mbaye THIANDOUM