BRACELETS ELECTRONIQUES: Les défenseurs des droits humains d’accord sur le principe, mais sceptiques



 
Le Conseil des ministres qui s’est tenu avant-hier a examiné et adopté deux projets de loi d’une importance capitale. Les projets de loi portent des modifications sur le code pénal et le code de procédure pénale. Il s’agit d’un aménagement des peines qui va se traduire par la possibilité du placement sous surveillance électronique de la personne, mais aussi l’assignation à résidence avec surveillance électronique comme alternative à la détention électronique. Du côté des défenseurs des droits de l’homme on salue le principe, mais tout de même on reste sceptique. 
 
A l’Assemblée nationale seront bientôt soumis deux projets de loi dont l’un modifie la loi 65-61 du 21 juillet portant code pénal et consacre le placement sous surveillance électronique ; l’autre modifie la loi 65-61 du 21 juillet 1965 portant code de procédure pénale et introduit l’assignation à résidence avec surveillance électronique comme alternative à la détention provisoire. Une sorte de mode d’aménagement des peines, depuis longtemps revendiqué par les défenseurs des droits humains. Mais qu’est-ce qu’en pensent ces derniers ?
 
Me Amadou Diallo, président d’Amnesty International Sénégal : «dans l’absolu c’est bien vu, mais est-ce qu’on a les moyens ?»
 
«En son temps, Amnesty avait accueilli ces propositions plus ou moins favorablement. Parce qu’on estime que cela participe à dépeupler les prisons et même à respecter le principe de la présomption d’innocence. Donc, dans l’absolu, c’est assez bien vu par Amnesty et personnellement je partage cette position. Maintenant, le problème, c’est est-ce que le Sénégal a les moyens financiers de gérer ce genre de mode alternatif de détention ? Est-ce qu’on a les moyens techniques ? C’est un gros point d’interrogation. Il faut penser également au coût que cela peut représenter par rapport aux priorités du Sénégal. L’autre aspect qui est mineur pour moi, c’est l’aspect culturel du bracelet électronique. Certains pensent que ça sera très mal vu par la société. Mais je pense que sur le plan des considérations culturelles, quelqu’un qui est en prison est moins bien perçu que quelqu’un qui a un bracelet électronique. Je pense aussi que ce genre de question, il faut le traiter sérieusement aussi bien par les acteurs que par la presse aussi, sinon cela peut ne pas avoir l’impact recherché. Il faut voir aussi, s’il n’y a pas assez de moyens, qui va en bénéficier ? Est-ce qu’on ne va pas favoriser une certaine couche de la société au détriment d’autres ?»
 
Me Assane Dioma Ndiaye : «nous n’avons même pas le minimum garanti pour le fonctionnement de nos maisons d’arrêt»
 
«Mon problème, c’est la méthodologie qui préside à ces réformes. Est-ce qu’on doit continuer à envisager ces réformes sans un débat inclusif, participatif, avec tous les acteurs ? Parce que ce sont des réformes extrêmement importantes. On ne peut pas du jour au lendemain faire des annonces spectacles de cette nature sans que les acteurs ne puissent auparavant débattre de cette question. La deuxième chose, c’est est-ce que nous devons continuer à faire ces réformes sans des évaluations des réformes précédentes ? Parce que dans la même lignée, nous avions déjà des réformes envisagées en matière de peines alternatives comme les travaux d’intérêt général qui sont dans notre code de procédure pénale. Le troisième aspect, c’est est-ce que nous ne devrions pas mettre les moyens en avant, avant les réformes ; autrement dit est-ce qu’on doit continuer à faire des réformes sans avoir les moyens de ces réformes ? Voilà autant de problématiques qui font qu’aujourd’hui nous sommes sceptiques par rapport à une réforme qui tendrait vers des placements sous surveillance électronique ou à des assignations à résidence sous surveillance électronique. Parce que d’abord, c’est des réformes qui appellent énormément de moyens, moyens électroniques, techniques, économiques qui ne nous paraissent pas réunis en notre état de sous-développement. Parce que pour un bracelet électronique, il faut une ligne téléphonique fixe. Il faut également que la personne ait un domicile fixe ; ensuite il faut son consentement pour mettre la personne dans cet état de surveillance électronique et il faut aussi des modes de repérage GPS au niveau de l’Administration pénitentiaire pour pouvoir surveiller 24 heures sur 24. Et déjà nous n’avons même pas le minimum garanti pour le fonctionnement de nos maisons d’arrêt».
Alassane DRAME
 

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