AVIS DE FELWINE SARR ET MOUBARACK LO SUR LA PARITE ENTRE L’EURO ET LE DOLLAR :Une stabilisation de l’inflation, des gains à l’exportation contre des importations beaucoup plus chères



 
 
 
La parité entre l’euro et le dollar aura certes des conséquences pour nos économies, mais les économistes Felwine Sarr et Moubarack Lo ne prédisent pas le pire pour nos économies déjà affectées par l’inflation qui découle de la guerre en Ukraine. Ils sont d’avis que suite à la dépréciation de l’euro, les pays de l’Uemoa auront des gains à l’exportation ; par contre, les importations reviendront beaucoup plus chères.  
 
 
 
Pour la première fois depuis sa création, l’euro, dans sa chute, a atteint la parité avec le dollar. Une dépréciation qui ne sera pas sans conséquences pour les pays d’Afrique, notamment le Sénégal, qui a un taux de change fixe avec l’euro. Pourtant, de l’avis de l’économiste Felwine Sarr, les Européens, lors de la création de l’euro, avaient promis d’en faire une monnaie forte, plus forte que le dollar. A cette époque, dit-il, la Banque centrale européenne avait pour objectif de renforcer la crédibilité de la nouvelle monnaie unique pour qu’elle soit stable et forte. Du coup, c’était une bonne chose pour les importations. Aujourd'hui, alors que le cours de l’euro baisse, au point d’atteindre la parité avec le dollar, l’universitaire fait remarquer que la donne a changé. A l’en croire, il y aura un gain à l’exportation, mais les importations seront beaucoup plus chères. Il parle ainsi «d’inflation importée». Une inflation qui s’est déjà installée avec la guerre en Ukraine et les tensions géopolitiques à travers le monde.
 
Des gains à l’exportation et des importations beaucoup plus chères pour les pays de l’Uemoa
 
Et le Sénégal n’a pas été épargné. D’autant plus que, dit-il, notre pays a un taux de change fixe avec la zone euro. «Si l’euro s’apprécie, le Cfa s’apprécie et si l’euro se déprécie, le Cfa aussi se déprécie. Du coup, on aura un Cfa qui se déprécie par rapport au dollar ; ce qui veut dire que pour les pays de la zone Uemoa qui exportent aux Etats-Unis, c’est une bonne chose parce qu’ils auront des gains à l’exportation. Par contre, les produits importés des Etats-Unis vont se renchérir», explique Felwine Sarr qui rappelle que nos balances commerciales sont déjà déficitaires. Ce qui lui fait dire qu’on aura une tendance inflationniste. En effet, face à cette situation, il doute que les gains en compétitivité externe puissent compenser les coûts à l’importation étant donné qu’on importe plus qu’on exporte. «On aura une inflation importée dans la zone Uemoa et ça pose la question de la fixité du taux de change entre le Cfa et l’euro», se désole l’économiste.
 
Si on n’a pas beaucoup de produits qui proviennent des Etats-Unis, l’impact de l’inflation ne sera pas fort
 
Poursuivant sur la structure de notre inflation, Felwine Sarr dira : «le plus important, c’est nos produits agricoles. Si on a une bonne campagne agricole, l’inflation baisse. L’énergie, avec la hausse ou la baisse du prix du baril du pétrole, a un impact sur notre inflation car ça affecte la production, le transport, etc. Cependant, si on n’a pas beaucoup de produits qui proviennent des Etats-Unis dans notre économie, l’impact de l’inflation ne sera pas fort. Donc, on doit savoir quelle est la proportion des produits venant des Etats-Unis et comment se comportent les autres éléments de l’inflation», préconise l’économiste, optimiste quant à la stabilisation des prix. En effet, si la durée de la parité est transitoire, le choc sera absorbé par l’économie.
En outre, l’universitaire d’ajouter que nos Etats, à travers la Bceao, sont outillés pour prévenir ces chocs macroéconomiques étant donné qu’elle dispose de cellule de veille pour suivre les variations macroéconomiques globales. «On sait à peu près quels vont être les grands chocs les plus importants et quels vont être les chocs qui vont nous affecter et on peut mettre en place des mesures d’ajustement. Par exemple, dès que la guerre en Ukraine s’est déclenchée, on a su qu’il y aura des tensions sur les intrants agricoles. Du coup, les Etats ont le temps de réagir», fait remarquer Felwine Sarr.
 
L’ingénieur statisticien-économiste Moubarack Lo ne prédit pas le pire
 
L’ingénieur statisticien-économiste, Moubarack Lo a également abondé dans le même sens en parlant de mouvement positif sur les exportations et un impact négatif sur les importations. «S’agissant des exportations, quand l’euro baisse par rapport au dollar, ça veut dire que le Cfa baisse aussi par rapport au dollar et ça permet de rendre plus compétitive nos exportations notamment sur les marchés européens, asiatiques ou américains et sur certaines nations africaines où nous sommes en concurrence avec des pays qui n’ont pas le franc Cfa. L’aspect négatif, c’est sur les importations. Quand le dollar se renchérit, cela veut dire que nous importons des produits beaucoup plus chers même si leurs prix ne se modifient pas. Dans le contexte actuel, vous avez ces deux effets négatifs, vous avez non seulement le dollar qui augmente, mais vous avez la hausse des prix, le carburant, les céréales et les engrais et souvent les cotations sont faites en dollar», explique l’économiste.
Toutefois, il est d’avis qu’on ne peut s’attendre à ce que les choses soient pires que ce qu’on a aujourd’hui. «Personne ne peut envisager une baisse prolongée de l’euro. En général, il y avait un plafond de verre, c’était la parité ; parce que depuis que l’euro existe, c’est la première fois que cette parité est observée entre l’euro et le dollar. Maintenant que cet objectif est atteint, on s’attend à une stabilisation autour de la parité», ajoute M. Lo qui estime que les choses ne vont pas empirer. A l’en croire, avant même cette parité entre l’euro et le dollar, l’impact était déjà là depuis le début de l’année avec le raffermissement des prix des céréales, des hydrocarbures, entre autres.
 
Moussa CISS
 
 
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