La Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) s’est insurgée contre la hausse de 5% du prix du tabac dans la loi de finances initiale 2025, qu’elle considère comme un coup d’épée dans l’eau, du pilotage à vue et de la poudre aux yeux de l’opinion. La ligue n’a pas manqué non plus de dénoncer la démarche solitaire du ministre de la Santé, qui n’a pas consulté les vrais acteurs de la lutte contre le tabac.
Après que le nouveau régime a fait passer, dans la Loi de finances initiale (Lfi) 2025, le taux de la taxe spécifique sur le tabac de 65% à 70%, la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab) a déploré, dans un communiqué, cette démarche « en catimini, dans une opacité totale, et sans aucune concertation avec les vrais acteurs concernés ». En effet, même si, de l’avis d’Amadou Moustapha Gaye, l’augmentation des droits d'accises sur le tabac est le meilleur moyen pour réduire le tabagisme, améliorer les perspectives sanitaires et augmenter les recettes fiscales, cette mesure, dit-il, est en déphasage avec la situation de non application dans laquelle se trouve la loi antitabac du Sénégal. « Cette hausse de 5% aurait pu être bénéfique et avoir un sens si la loi antitabac du Sénégal votée depuis le 14 mars 2014 était pleinement respectée et totalement appliquée ; mais la réalité aujourd’hui est que le ministère de la Santé prend des mesures sur des bases qui ne correspondent nullement à la situation réelle de la lutte antitabac au Sénégal, et ce, sans aucune concertation avec les vrais acteurs concernés ; et nous considérons que si le ministre de la Santé était informé correctement de la situation réelle dans laquelle se trouve la lutte contre le tabac, il agirait autrement », fait remarquer le président de la Listab.
La loi antitabac n’est respectée ou appliquée nulle part
En porte à faux avec la tutelle, Amadou Moustapha Gaye accusé l’actuel ministre de la Santé d’être dans les mêmes travers que ses prédécesseurs qui, relève-t-il, n’ont posé aucun acte allant dans le sens de faire avancer la lutte antitabac au Sénégal. « La loi antitabac du Sénégal est en souffrance, car elle n’est appliquée ou respectée nulle part. La taxation du tabac est largement mal exploitée dans les politiques publiques du Sénégal », informe le premier responsable de la société civile qui lutte contre le tabac. A l’en croire, même si le Sénégal atteignait le plafond de taxation de 125% de la Cedeao et que la loi ne soit pas appliquée ou en souffrance, cela ne servirait à rien du tout. « La taxation des produits du tabac bien qu’elle soit la mesure de lutte antitabac la plus efficace pour faire baisser la prévalence tabagique, est largement mal exploitée dans les politiques publiques du Sénégal, car elle est faite dans un contexte ou la loi antitabac du Sénégal est dans une léthargie, une impasse totale, et en souffrance pour non-application », martèle le patron de la Listab.
Les autorités interpellées sur les produits de tabac illicites et la lutte contre le tabac
Revenant sur la convention-cadre de l’Oms signée par notre pays pour réduire la consommation de tabac et le protocole contre le commerce illicite des produits de tabac, il constate pour le regretter que le marché sénégalais est envahi par des produits de tabac illicites de provenance douteuse ou inconnue. Aussi a-t-il interpellé le chef de l’Etat, le Premier ministre et le ministre de la Santé sur cette situation qu’il juge « chaotique » dans laquelle se trouve la lutte contre le tabac. « Nous constatons avec regret que la lutte contre le tabagisme au Sénégal est dans une véritable impasse, et est en train d’échouer lamentablement du fait : de l’immixtion et de la complicité de nos gouvernements avec l’industrie du tabac ; de la passivité, et de la non-assumation de nos gouvernements dans le respect pour l’application des lois anti-tabac déjà votées ; de la présence massive de produits illicites du tabac, et de toutes sortes de marques de tabac sur le marché sénégalais ; de la menace pour les hommes, les femmes, les enfants, les jeunes et notre économie ; etc. », indique M. Gaye.
Des mesures pour protéger la population du danger de ces inhalateurs électroniques
Poursuivant, il justifie aussi cette situation par le fait que la lutte contre le tabagisme au Sénégal est insuffisamment soutenu ; que les rares ressources provenant des partenaires sont capturées ou captées par des individus, des affairistes, des rentiers membres des organisations de la société civile, au détriment des intérêts de la lutte antitabac ; de l’urgence pour le Sénégal d’aller dans le sens de réflexions inclusives afin de mobiliser des ressources propres pour prendre en charge la lutte contre le tabac au Sénégal ; que l’industrie du tabac cible plus que jamais les enfants, les jeunes et les adolescents ; de l’urgence d’imposer des solutions fiscales pour arriver à une réduction optimale du tabagisme en Afrique ; de considérer les produits chauffés comme tous les produits du tabac, intrinsèquement toxiques et contenant des substances cancérogènes, et devant donc être traités comme tous les autres produits du tabac dans les politiques antitabac ; de recommander au gouvernement du Sénégal d’adopter des mesures adéquates pour protéger leur population du danger de ces inhalateurs électroniques de nicotine et empêcher que les enfants, les adolescents et d’autres groupes vulnérables ne les utilisent …
M. CISS