ASSOCIATION DE MALFAITEURS, TRAFIC DE DROGUE…: Les charges du Doyen des juges contre l’agent de police Ibrahima Dieng et ses co-prévenus

En avril 2014, un autre scandale de la drogue a secoué la police sénégalaise, avec l’implication d’un agent de l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (Ocrtis). Si le policier Ibrahima Dieng a toujours estimé qu’il s’agit d’une cabale, ce n’est pas l’avis du Doyen des juges d’instruction. Dans son ordonnance de renvoi, le magistrat instructeur a relevé une entente entre l’agent de police, la dame Awa Thiam qui, selon lui, est sa petite-amie et le Nigérian Sunday Obidimma dit Junior. Le journal «Les Echos» revient sur les charges du magistrat instructeur à l’encontre du policier et de ses présumés complices.



 
 
Le 6 février prochain, la Chambre criminelle de Dakar va statuer sur l’affaire d’association de malfaiteurs, de détention et trafic de drogue et de blanchiment de capitaux dans laquelle sont impliqués l’agent de police Ibrahima Dieng, Awa Thiam, une restauratrice et le Nigérian Sunday Obidimma connu sous le nom de Junior. Le journal «Les Echos» revient sur l’ordonnance de renvoi du Doyen des juges d’instruction dans cette affaire qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive et qui a également secoué la police sénégalaise.
 
Détention et trafic de drogue
 
Sur le trafic de drogue, le juge Samba Sall a noté qu’il est constant que les inculpés Awa Thiam et Ibrahima Dieng ont été interpellés, alors qu’ils étaient en possession, pour ce qui concerne le policier, de 96 grammes de cocaïne et d’un cornet de chanvre indien, trouvés dans son véhicule, pour la restauratrice, de 8 plaquettes de haschich d’un poids total de 655 grammes, trouvées dans son sac à main, d’une somme de 203.225 francs et de 53 grammes de cocaïne. Devant les enquêteurs, Awa Thiam avait déclaré que le haschich lui a été livré par un certain Georges et que cela provient des 100 kilogrammes de drogue introduits dans le territoire par un Européen qui avait échappé à l’Office central de répression du trafic des stupéfiants (Ocrtis). La restauratrice a ajouté que Junior fait aussi partie des fournisseurs de Yoff, tout en précisant, par ailleurs, que le policier fumait du chanvre. Selon Awa Thiam, elle aidait l’agent de police Ibrahima Dieng à traquer les trafiquants. Et pour corroborer ces déclarations, Ibrahima Dieng a ajouté qu’il a ramassé la drogue qui a été abandonnée sur la plage de Yoff par des trafiquants nigérians qu’il poursuivait. Mieux, pour se laver à grande eau, il précise qu’il avait même présenté Awa Thiam, avec qui il entretient une relation strictement professionnelle, à ses supérieurs dont les commissaires Abdoulaye Niang, Mamadou Doudou Sarr et Cheikhouna Keïta. Et selon lui, ces derniers avaient donné leur aval pour sa collaboration avec la restauratrice.
Mais, pour le juge d’instruction, Ibrahima Dieng et la dame s’apprêtaient plutôt à livrer de la marchandise à des clients. Le magistrat instructeur considère que les déclarations de la dame son cousues de fil blanc et l’argument selon lequel le policer était en mission «ne résulte d’aucun élément objectif du dossier». Le juge s’est étonné du fait que le policer n’a jamais averti ses supérieurs qu’il traquait des dealers, surtout que c’était un dimanche et qu’il n’était pas de service. «Il y a lieu de relever la mauvaise foi manifeste de Ibrahima Dieng sur la nature de ses relations avec la dame Awa Thiam, dont il a constamment déclaré qu’elles étaient strictement professionnelles», souligne le juge Samba Sall. En fait, il résulte de l’enquête qu’aussi bien Lémou Touré Gaye, la mère de Awa Thiam qu’un nommé Thierno Sy ont confirmé la relation amoureuse qui lie les deux personnes. Le policier se rendait au domicile de la dame très souvent et ils échangeaient des appels plusieurs fois. S’agissant de Sunday Obidimma alias Junior, il a été arrêté près d’un mois après l’agent de police et la restauratrice, précisément au mois de mai 2014, alors qu’il était venu à la cave du palais de justice pour rendre visite à la dame. Des investigations ont permis de savoir qu’il détient un compte à la United Bank of Africa (Uba) crédité de 48.401.834 francs. Le fait est que le Nigérian qui se dit commerçant n’a jamais prouvé l’existence de son commerce. «Il s’est montré particulièrement évasif sur la nature de son commerce et n’a produit aucun document pouvant corroborer sa qualité de commerçant», écrit le juge. Mieux, il a avoué que dès qu’il a appris que la dame est arrêtée, il a supprimé son numéro de téléphone sur son répertoire.
 
Association de malfaiteurs
 
Sur l’association de malfaiteurs, le juge souligne : «en l’espèce, l’analyse des faits de la cause laisse subodorer l’existence d’une organisation criminelle dont le but est la vente de drogue avec une parfaite distribution des rôles, Sunday Obidimma faisant office avec Georges de fournisseurs de drogue d’Awa Thiam, laquelle s’active dans ce trafic illicite sous la protection de Ibrahima Dieng qui est chargé de surveiller et sécuriser ses livraisons».
 
Le blanchiment de capitaux
S’agissant du blanchiment de capitaux, le magistrat instructeur a relevé les biens des inculpés, notamment une maison de 300m2 à Sébikotane pour le policier, un véhicule, de même que son activité dans l’élevage de pigeons, de poulets et de chiens, tous de race supérieure ; Awa Thiam tient un restaurant aux Maristes, un terrain à Keur Massar et plus de 48 millions de francs pour le Nigérian. Pour le juge, «un salaire d’officier de police en ce qui concerne Ibrahima Dieng, ou l’exploitation d’un restaurant pour la dame, ne semblent pas être en mesure de leur offrir une telle assise financière».
Au bout du compte, le juge, dans son ordonnance, a prononcé un non-lieu pour Lémou Touré Gaye, la maman d’Awa Thiam, avant de renvoyer les trois autres en Chambre criminelle.
Alassane DRAME

Dans la même rubrique :