«APOLOGIE» DE LA COLONISATION ET AMITIE FRANCE-SENEGAL: Quand Macky Sall préfère se rappeler des «desserts» offerts aux tirailleurs que de leur massacre à Thiaroye



 
 
Macky Sall vient de jeter un gros pavé dans la mare ! Le chef de l’Etat n’a rien eu mieux à faire que de trouver des vertus à la colonisation. Mieux, il chante l’amitié qui nous lie aux Français, qu’il magnifie à travers le bon traitement des tirailleurs sénégalais qui recevaient des desserts, contrairement à leurs frères africains. Mais il oublie de souligner que cette même France qui leur offrait des «desserts» a lâchement assassiné des tirailleurs sénégalais revenus de la guerre, juste parce qu’ils avaient osé réclamer leurs maigres soldes et primes.
 
 
Alors que la polémique sur la «place Europe» de Gorée enfle encore, avec une pétition signée par des dizaines d’intellectuels noirs et autres, à travers le monde, voilà que le Président Macky Sall en rajoute. Sans doute mal inspiré, le chef de l’Etat a quasiment fait l’apologie de la colonisation. «Avec la colonisation française, nous avons eu des choses positives, notamment les élections. On a des relations particulières. C’est vrai qu’ils nous ont colonisé et il y a eu une décolonisation pacifique. (…). Ils ont toujours respecté les Sénégalais parce que le régiment des tirailleurs sénégalais était dans les casernes. Ils avaient droit à des desserts pendant que d’autres Africains n’en avaient pas», note-il.
Des propos qui ont sonné comme un coup de massue sur la tête de plusieurs Sénégalais et Africains, dont beaucoup ont exprimé leur indignation à travers les réseaux sociaux. Et ils ne se sont pas gênés d’exprimer leurs désapprobations face à ces propos présidentiels. Les propos du chef de l’Etat sont d’autant plus incompréhensibles, que les arguments brandis par Macky Sall ne convainquent personne. Mettre en avant l’existence d’élections au Sénégal comme legs positif de la colonisation est quasiment une insulte aux Africains et aux Sénégalais qui, avant l’arrivée du blanc, avaient des institutions, royales certes, mais suffisamment démocratiques et égalitaires. C’est si vrai qu’il y avait par exemple plus de contre-pouvoirs au Fouta de Thierno Souleymane Baal, au Cayor de Lat-Dior et au Sine de Coumba Ndoffène Diouf, qu’aujourd’hui au Sénégal.
En outre, parler des «desserts» que recevaient les tirailleurs sénégalais, contrairement à leurs frères africains, alors que ces mêmes colons français, dont il loue le geste, n’ont pas hésité un instant à cribler de balles, assassiner lâchement et enterrer dans une fosse commune des tirailleurs qui ont eu le seul tort de réclamer leurs modiques paies, relève du cynisme et de la mauvaise foi. C’est même être discourtois et manquer de solidarité envers nos frères africains. Pire, il conforte l’option machiavélique du «diviser pour mieux régner», qui a toujours été celle de la France en Afrique. Mais, sur ce point, il y a plus grave dans les propos du chef de l’Etat. En réalité, on n’a pas besoin d’être un agrégé en histoire pour savoir qu’il n’y avait pas de tirailleurs sénégalais séparés de leurs autres collègues africains. Le vocable tirailleurs sénégalais englobait tous les soldats africains mobilisés pour la France, sans distinction de nationalité.
On aura beau lui trouver des points positifs, il n’en demeure pas moins que la colonisation est le plus grand mal que la France ait fait au Sénégal et l’Europe à l’Afrique. Le projet colonial n’a jamais eu comme objectif de profiter de quelque manière que ce soit au Sénégal et aux colonies de manière générale. La colonisation française a été violente, barbare, destructrice et avilissante. Elle a dépeuplé le continent et le Sénégal, en les privant en plus d’une bonne partie de la force de travail. Elle a ruiné nos sociétés, nos valeurs et nos systèmes économiques et politiques. Trouver du bien à une telle ignominie, parce qu’elle nous aurait permis d’être démocrates et avoir des élections, ou encore parce qu’elle a fait des Français, qui nous ont sucés le sang et les richesses, nos amis, c’est ramer à contre-courant de l’histoire. Que vaut et que nous vaut aujourd’hui cette amitié à sens unique avec les Français ? Une amitié de façade sur laquelle nous fantasmons, au moment où la France, aussi impérialiste que jamais, nous voile les yeux avec, pour mieux perpétuer sa mainmise sur notre économie.  L’un des plus illustres dirigeants de l’histoire de la France, De Gaulle pour ne pas le nommer, n’avait-il pas dit : «Les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts».
 
Mbaye THIANDOUM
 

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