Depuis près de deux ans, Aminata Gassama et sa consœur Aïcha Ngoundiam Mbodj se battent pour récupérer le local sis à la Place de l’Indépendance. Bénéficiant d’un arrêté ministériel qui lui permettait d’occuper le local, afin d’y installer sa pharmacie, Aminata Gassama a vu finalement cet arrêté annulé par la Cour suprême. Pourtant, elle a subi des attaques venant de sa consœur et de l’activiste Dame Mbodj qui lui reprochaient son lien de parenté avec le président de la République. Une relation qu’elle revendique. «Macky Sall est mon frère et je le revendique. Mais, je n’ai jamais utilisé ce lien pour quelque faveur que ce soit. Sinon je n’aurai pas subi les affres de l’Ordre ou eu des blocages dans le processus. Ce sont des reproches fallacieux», a martelé le Docteur en pharmacie Aminata Gassama.
Les Echos : Aujourd’hui vous êtes en bras de fer avec Aïcha Ngoundiam Mbobj pour l’installation de votre pharmacie à la place de l’Indépendance. Pouvez-vous, d’abord, expliquer comment vous avez acquis cette pharmacie ?
Aminata Gassama : J’ai eu mon doctorat d’Etat en pharmacieen 1990. Et j’ai eu ma première autorisation d’installation en janvier 1991. Donc cela fait 31 ans que j’exerce cette profession. Pour l’histoire de la pharmacie, en 2003 j’avais racheté la pharmacie de Majmouth Diop avec un prêt de la Sgbs de 487 millions de francs. Le prêt concernait l’achat de l’immeuble de la pharmacie et le fondsde commerce. De 2003 à 2012, j’ai payé à la banque environ 530 millions. Finalement, la pharmacie était tombée en faillite et ne pouvait plus continuer à payer. Et c’est en ce moment que la banque a envoyé le dossier en contentieux au Tribunal. Le Tribunal a vendu l’immeuble de la pharmacie et j’ai reçu une injonction de libérer les locaux, parce que le nouveau propriétaire devait casser et reconstruire. Quand j’ai discuté avec lui, il avait promis, une fois les travaux terminés, de me louer le rez-de-chaussée. Après cela, j’ai déposé une demande de fermeture provisoire à la Direction de la pharmacie et des médicaments (Dpm), le temps que le nouveau propriétaire puisse terminer ses travaux. Quand on me l’a autorisé, j’ai cédé les locaux et j’ai fermé la pharmacie. Malheureusement, le nouveau propriétaire, jusqu’à ce jour, n’a pas fini ses travaux.
Et comment s’appelait cette pharmacie ?
Elle s’appelait «La Nation». Donc en 2019, un inspecteur de pharmacie, agent de la Direction de la Pharmacie et du Médicament (Dpm), m’envoie un courrier d’injonction pour me demander de rouvrir, sinon ils allaient retirer l’autorisation. Pendant trois mois, avec l’aide d’un courtier, on a essayé d’avoir un local à Dakar Plateau, on ne l’a pas eu. Cette période coïncidait avec l’érection des sphères ministérielles de Diamnadio où il avait été prévu une pharmacie à l’intérieur ; et comme les autorités de la profession voulaient reloger les impactés du Ter, je suis allé voir le Directeur de la Pharmacie et du Médicament. Je lui ai expliqué que moi-aussi je suis impactée, vu que la fermeture était indépendante de ma volonté. Je lui ai alors demandé si je pouvais postuler à Diamniadio puisque c’est un cas de force majeure.Il m’a demandé d’aller voir le président de l’Ordre des pharmaciens. Ce dernier a été très sensible. Il m’a promis un soutien et m’a donné son accord de principe. Sur cette base là, avec Teylium et lePatrimoine bâti qui gère Diamniadio, après 6 mois de réunion et de discussion, j’ai finalement obtenu un contrat. J’ai fait un prêt, j’ai fait tout l’aménagement et j’ai commencé en novembre 2019 avec la parapharmacie parce que l’autorisation n’était pas sortie. En février,le président de l’Ordre m’appelle pour me dire que finalement l’Ordre a émis un avis défavorable au transfert.Il me dit que les textes l’interdisent. Pour ma part, je considère que c’est seulement quand tout se passe bien que c’est interdit, mais en cas de force majeure, les textes le prévoient. Il me dit que je dois fermer Diamniadio, revenir en ville, sinon l’Ordre allait porter plainte. J’ai exigé une notification pour rompre le contrat. Deux mois après, je n’avais toujours pas reçu de notification et je continuais à payer le loyer de 813.000 par mois. C’est à la fin du 3ème mois que la Direction de la Pharmacie et du Médicamentm’a notifié le refus et je suis allée rompre le contrat de Dianiadio. En ville, il m’a dit, il faut 200 m entre deux pharmacies. Je lui dis que je ne vois pas de pharmacie distante de l’autre de 200 m, il dit que c’est la règle. On trouve un local à 150m, il refuse ; une autre à 190 m de la pharmacie la plus proche, il me dit d’aller voir le pharmacien pour obtenir une dérogation écrite. Mais, ce dernier refuse. Après plusieurs péripéties, j’apprends que l’immeuble en face de la mairie de Dakar appartient maintenant à l’Ipres qui n’avait aucun contrat avec aucun client. On me dit que le bâtiment appartenait à un monsieur qui faisait des contrats à durée déterminée de 3 ans et qu’après il a arrêté les contrats, demandé à tout le monde de partir et il a vendu l’immeuble à l’Ipres. C’est comme cela que j’ai déposé mon dossier à l’Ipres.
Et l’Ipres vous l’a accordé ?
Juste quand j’ai déposé à l’Ipres, la dame, Mme Mbodji, l’a appris, elle a fait une sortie dans un journalpour m’attaquer, attaquer mon père, mon mari… Après, elle est allée voir le syndicat des pharmaciens. Je ne sais pas ce qu’il se sont dit, mais, un jour, j’ai vu dans le «Courrier des pharmaciens» que le président du syndicat avait écrit pour dire qu’il y avait un conflit entre deux confrères et qu’il prenait fait et cause pour madame Mbodj parce qu’elle est un membre actif du syndicat. C’est le motif qu’il avait donné.
Mais l’origine du conflit, c’est quoi exactement ?
Je ne sais pas. Mais la dame considère que je ne dois par avoir un contrat dans ce site parce que le site lui appartient, qu’elle est prioritaire. Moi, j’ai fait savoir au syndicat que quand il y a conflit entre confrères, il doit être à équidistance des contingences partisanes. Je leur ai expliqué le processus. Ils m’ont dit qu’ils avaient un séminaire à Paris et qu’après, ils allaient nous proposer une solution de sortie de crise. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles du syndicat. Ensuite, elle est allée voir la presse pour dire que le directeur de la Pharmacie lui a envoyé un courrier pour lui dire qu’elle avait transféré là où elle est depuis 6 ans sans autorisation et que maintenant elle avait deux options : soit elle amène un contrat de location ou un titre de propriété, si elle ne l’a pas d’ici un mois, on la régularise là où elle est. Elle a dit ensuite qu’elle ne va pas accepter cela. Elle a dit ensuite que si elle a transféré c’est parce qu’il y a un membre de la direction qui lui a dit qu’elle peut transférer. Apparemment, au bout du compte, elle a eu un avocat qui a demandé une dérogation pour qu’elle puisse déposer un contrat. Pendant trois mois, elle n’a pas pu l’avoir. Moi je l’ai eu. J’ai envoyé mon dossier à l’Ordre qui a émis un avis favorable. Pour que le dossier soit instruit par la direction,il faut être pharmacien, de nationalité sénégalaise, avoir un contrat de location et un avis favorable de l’Ordre. On a envoyé mon dossier au ministère qui m’a fait un arrêté. Quand j’ai eu l’autorisation d’approvisionnement, je suis allée chez les grossistes pour me faire approvisionner, mais ils m’ont réclamé mon inscription à l’Ordre. Je suis retournée à l’Ordre pour régulariser mon inscription mais l’Ordre a refusé. Ils m’ont dit qu’il faut que je redépose un autre dossier d’inscription. Ce que j’ai fait. Ils m’ont trainé et jusqu’à présent, cela fait un an, ils n’ont jamais répondu. Ensuite, ils écrivent aux grossistes pour dire que j’ai demandé mon inscription et l’inscription est en cours et donc ils ne doivent pas me donner des médicaments. Alors je suis allée voir le ministre du Commerce parce que j’exerce une profession libérale. Il m’a mis en rapport avec le directeur du Commerce intérieur qui m’a mis en rapport avec un autre agent et ce denier m’a assuré qu’ils vont me rétablir dans mes droits, mais jusqu’à présent rien. Je rappelle que Assane Diop, le président du syndicat a transféré sans autorisation et que même lui, il est dans l’illégalité. Donc il est disqualifié pour dire quoi que ce soit.
Et pourquoi aujourd’hui le syndicat est du côté de la dame, selon vous ?
La raison qu’ils ont donnée dans leur courrier est que la dame est un membre actif du syndicat et qu’ils considèrent que le local revient de droit à la dame et que je n’avais pas le droit de l’occuper. Je ne connais pas la dame, je ne l’ai jamais vue. Elle est diplômée, elle a le droit de s’installer, tout comme j’ai aussi le droit de m’installer. J’ai cherché un local, j’ai un contrat, mon dossier est à l’Ordre, j’ai un avis favorable, j’ai déposé au ministère et j’ai eu mon arrêté. Si elle pense être lésée par qui que ce soit, elle n’a qu’à s’en prendre à cette personne là. Je ne lui ai rien fait.
Il vous est aussi reproché d’avoir une main puissante derrière…
Je pense que c’est des reproches fallacieux. Comme je vous l’ai dit, je suis diplômée depuis 1990 et j’exerce depuis 31 ans cette profession. Quand J’ai racheté la pharmacie de Majmouth Diop, on était en 2003, Macky Sall n’était pas président de la République. On me reproche mon lien de sang avec Macky Sall, ce lien je le revendique. C’est mon frère, mais je n’ai jamais utilisé ce lien pour quoi que ce soit. Je rappelle que l’immeuble de ma pharmacie a été vendu en 2012, Macky Sall était déjà Président. J’aurai pu aller le voir pour lui demander de m’aider et peut-être qu’il allait le faire et je pense même qu’il allait le faire, mais je me suis dit que je suis Sénégalaise, diplômée qui veut travailler et je dois d’abord compter sur ma propre personne avant d’aller demander des faveurs. Ma pharmacie a été vendue, on m’a demandé de céder les locaux, je les ai cédés et je n’ai pas cherché d’intervention. J’ai eu l’autorisation à Diamniadio mais l’Ordre m’a imposé de fermer. Là aussi, je pouvais chercher une intervention je ne l’ai pas fait. Quand on m’a imposé 200m j’aurai pu chercher des interventions mais je ne l’ai pas fait. J’ai préféré travailler et qu’on me juge sur le fruit de mon travail et non sur du favoritisme. Donc ces reproches sont fallacieux. Je n’ai jamais utilisé ce lien pour quelque faveur que ce soit parce que si c’était le cas, aujourd’hui, cela allait me rattraper, mais Dieu merci, cela n’a jamais été le cas. J’ai vu Dame Mbodj m’attaquer dans la presse pour dire que je suis une parente à Macky Sall, que je suis une copine de Marème Faye Sall, c’est pourquoi j’ai eu telle et telle faveur. Mais si j’avais utilisé ces faveurs, peut-être que mon immeuble ne serait jamais vendu. Peut-être qu’à Diamniadio, je n’aurai jamais quitté mes locaux et que je n’aurais pas à subir les affres de l’Ordre ou avoir des blocages dans le processus pour avoir des médicaments etc.
Aujourd’hui vous en êtes où ?
En fait quand je devais démarrer les activités l’année dernière, quatre jours avant, j’ai appris à travers la presse une décision de la Cour suprême qui ordonnait la suspension de l’exécution de mon arrêté. Sans recevoir de notification, je l’ai respectée. Je n’ai jamais vendu de médicament depuis cette date. Et en novembre, la Cour a décidé d’annuler mon arrêté puisqu’il a été émis sans qu’au préalable on abroge le premier arrêté qui avait été donné là-bas. Mais, ça c’est des procédés administratifs, ce n’est pas à moi de m’en occuper, c’est la Direction de la pharmacie où le ministère de la Santé. J’attends que les procédures se terminent.
Alassane DRAME