Plus jeune député-maire en 2002, Amadou Diarra a été élu adjoint au maire de la commune de Pikine Nord, en 1996, alors qu’il était encore étudiant en Sciences juridiques. Après avoir perdu la mairie, en 2009, il fut reconduit en 2014. A la veille des prochaines locales, Amadou Diarra affiche son ambition de diriger la ville de Pikine. Dans cette entretien, M. Diarra explique son choix de travailler avec Madické Niang, à la dernière présidentielle, malgré le mot d’ordre de boycott du Pds. Evoquant son avenir au sein du parti libéral, Amadou Diarra fait feu sur Oumar Sarr et annonce son départ du Pds si Madické Niang crée son parti.
Les Echos : On est à quelques mois des locales, comment les appréhendez-vous ? On vous prête des ambitions pour la mairie de la ville de Pikine, est-ce vrai ?
Amadou Diarra : Les élections locales sont comme un rendez-vous pour l’évaluation, par les populations d’une localité, du travail abattu durant un mandat. Personnellement, j’ai hâte de voir la note que la population de Pikine Nord me décernera, parce que j’estime avoir bien travaillé, malgré toutes les difficultés liées à la gestion d’un maire opposant. Le régime n’a cessé de me faire des crocs-en-jambe mais, en bon Pikinois, j’ai tenu bon, jusqu’à réaliser un marché de 7 milliards, alors que le président de la République lui même disait à qui veut l’entendre que je n’y arriverai pas. Ils sont même allés jusqu’à annoncer mon départ vers l’Apr, alors qu’il n’a jamais été question pour moi de quitter Me Abdoulaye Wade ou de rejoindre Macky Sall. Malgré tout, nous avons l’un des meilleurs bilans de la banlieue. Mon ambition principale, c’est de gagner la ville de Pikine. L’actuelle équipe de la ville de Pikine a fini de démontrer son incompétence. Pikine devrait être au sommet, avec ses 7 milliards de budget par an, mais, avec le manque d’ambition du maire Abdoulaye Timbo, Pikine est à la traine. La preuve, Pikine est la seule ville sans feux de signalisation. Je veux porter le projet de société qui permettra de faire de la ville de Pikine un eldorado en 4 ans.
On a assisté au premier boycott du Pds à une présidentielle, comment avez-vous vécu cette élection sans un candidat du Pds ?
J’ai commencé à militer au Pds en 1984 ; le Président Wade a toujours été un guide. J’ai reçu de cet homme une solide formation qui a fait de moi cet homme politique que je suis devenu. Alors, je ne pouvais naturellement pas comprendre qu’une si grande formation politique manque un rendez-vous aussi crucial qu’une élection présidentielle. Ils se sont entêtés à vouloir imposer la candidature de Karim Wade, tout en sachant que c’était impossible de faire valider sa candidature. On nous faisait croire que Wade est un génie, qui allait apporter avec lui la boite magique qui nous sauverait. Des responsables avisés comme moi ont proposé un plan B et ils nous ont taxé de tous les noms. Madické Niang a quand même pris la responsabilité de se proposer et nous l’avons suivi naturellement, parce que non seulement c’est un libéral, un militant du Pds et de surcroit, c’est un homme de valeurs. Bon sang, nous sommes dans un parti démocratique, personne ne devrait nous imposer la pensée unique». Nous avons essuyé beaucoup d’échecs depuis 2012. Karim Wade a été arrêté ; ils se sont mis à dire qu’il ne sera pas emprisonné et il a été emprisonné. Après, les responsables du parti nous faisaient croire qu’il n’allait jamais être condamné et pourtant, Karim a été condamné. N’a t-il pas purgé une peine de 3 ans avant d’être gracié et exilé ? Qu’est-ce que le parti, son appareil et ses alliés ont pu faire, a part des déclarations à n’en plus finir ? L’expérience et la vérité des faits prouvent que nous sommes incapables de faire face à ce que Macky nous impose. Ils ont préféré continuer à narguer les militants, en soutenant mordicus que Karim viendrait. Ce sont ces raisons qui nous ont poussé à demander un plan B, malheureusement, la direction du Pds a préféré nous taxer de traitres.
Au regard de ce qui s’est passé, peut-on dire finalement que Pape Samba Mboup et autres ont eu raison sur vous qui avez toujours défendu la candidature de Karim Wade et son retour au pays ?
Nous avons eu foi en notre parti et nous avons soutenu son choix, avec tout ce qui allait avec. Au début, nous croyions comme tout le monde que Wade allait réussir à imposer la candidature de Karim, mais, à un moment donné, les choses devenaient de plus en plus claires. Comme la plupart des responsables du parti, j’étais en contact permanent avec Karim sur WhatsApp. A un moment donné, je lui ai clairement dit que Macky Sall ne le laisserait pas être candidat. Il a tout fait pour me convaincre du contraire. Au finish, j’ai pris mes responsabilités. La direction du parti a donc lamentablement échoué sur ce coup. Karim espérait un soutien de Oumar Sarr, alors que c’était peine perdue. Il n’avait ni le charisme, ni l’intelligence politique de soulever le Pds, encore moins les Sénégalais pour la cause de Karim. Depuis que j’ai affiché mon soutien à Madické, on a arrêté de se parler.
Qu’est-ce qui vous a poussé à soutenir Me Madické Niang lors de la dernière présidentielle ?
Le choix n’était pas difficile. Karim Wade, candidat du Pds, ayant été recalé, Madické était donc le seul candidat militant du Pds qui avait obtenu son ticket pour cette élection. Je n’ai pas hésité à le soutenir, parce que je ne pouvais pas concevoir un boycott, même s’il venait de Me Abdoulaye Wade, ce grand démocrate qui m’inspire beaucoup de fierté. Les choses étaient claires depuis le début. Me Madické Niang a senti, comme tous les leaders du Pds doués de raison, qu’il était possible que la candidature de Karim Wade soit recalée, il s’est donc proposé en plan B. Malheureusement, il a été traité de tous les noms. Je n’ai pas compris cet acharnement sur sa personne, alors qu’il avait posé une condition qui réglait le problème dès le début : si la candidature de Karim était acceptée, il allait simplement se retirer tout en apportant tout son soutien à Karim. Au lieu de regarder les choses en face, des faucons du parti ont commencé à faire croire à Wade que Madické est un traitre et qu’il travaille pour le Président Macky Sall. Nous qui avons fait le choix de le soutenir, parce que le parti n’avait pas de candidat, nous avons subi presque le même sort que lui. Ils nous mettent en quarantaine. Ils ne nous impliquent plus à aucune activité du parti. Qu’ils le veuillent ou non, Me Madické Niang est l’héritier de Wade.
Madické n’est plus membre du Pds et certains libéraux ont préféré le suivre, qu’en est-il de votre avenir au sein de ce parti ?
Jusqu'à présent je suis membre du Pds, même si la direction actuelle me considère comme démissionnaire. Ils auraient raison de me déclarer auto exclu si le parti avait réussi à imposer la candidature de Karim Wade. Mais, nous savions tous ce qu’il en était. Les textes du parti sont très clairs. Ils stipulent que si un membre dudit parti soutient un autre candidat, diffèrent de celui du parti, il s’est auto exclu. Or, il est clair que j’ai soutenu Me Madické Niang, parce que le Pds n’avait pas de candidat à cette élection. Les dés ayant été jetés, la candidature de Karim refusée, j’ai alors fait le choix de soutenir un frère libéral avec qui je partage les mêmes idéaux. Jusqu’à présent, je me considère toujours comme membre du parti, même si je ne suis plus convoqué dans les instances. J’ai une valeur politique et je compte bien m’en servir, le moment venu. Mon ambition actuelle, c’est de pousser Me Madické Niang à créer sa formation politique, pour que je quitte définitivement le Pds qui me considère comme démissionnaire, pour le rejoindre tranquillement.
Pour certains, le boycott de Me Abdoulaye Wade était juste un deal avec le Président Macky Sall, qu’en dites-vous ?
Même si j’étais foncièrement contre ce boycott, je n’irai pas jusqu’à dire qu’il y avait un deal entre Me Wade et Macky Sall. Je fréquente cet homme depuis plusieurs années et je connais sa constance par rapport à certaines questions. Il est vrai que pour certains, c’est quasiment impossible de comprendre sa position, mais nous qui l’avons pratiqué, savons qu’il ne s’agissait nullement d’un deal. Maintenant, la question qui mériterait d’être posée, c’est comment est-ce qu’on en est arrivé là ? Mon intime conviction, c’est que vu son âge, ses rapports avec son fils Karim Wade, on peut lui faire faire n’importe quoi. Me Abdoulaye Wade est manipulé, tenaillé par Oumar Sarr. Tout ce qui arrive actuellement au Pds est de la faute de Oumar Sarr. Sa gestion est calamiteuse. Elle est basée sur le déplumage du parti. Et tant qu’il continuera à imposer sa loi, les départs se multiplieront. Nous appelons le Président Abdoulaye Wade à y remédier avant qu’il ne soit trop tard. Oumar Sarr mène une certaine influence sur Me Wade. Soit il le mène en bateau, soit il est pris en otage dans une histoire qu’il ne comprend pas encore. Si Me Wade veut sauver ce qui reste de son parti, il doit se départir de la direction du Pds. N’importe qui ne peut pas administrer un parti. Un parti, on le manage, on ne frustre pas les gens en imposant ses envies. Ils traitent Madické de traite qui travaille pour Macky Sall, alors que les faits nous laissent croire que c’est Oumar Sarr et son équipe qui travaillent pour Macky Sall, sans que le Président Wade ne s’en doute. S’il y a un membre du Parti démocratique qui a dealé avec le Président Macky Sall, c’est bien Oumar Sarr. il travaille pour ce dernier en réduisant à néant tous les efforts consentis jusque-là pour faire du Pds le plus grand parti de ce pays.
En tant que maire et ancien parlementaire, que pensez-vous de la proposition de Me Aïssata Tall sur le couplage des élections ?
J’estime que Aissata Tall Sall ne mesure pas la portée de sa proposition. Cela relève de l’utopie pure. Les élections locales sont bien trop compliquées pour qu’on y ajoute un autre scrutin le même jour. Comment est-ce que le maire de Podor, parlementaire, ancien ministre et présidentiable, peut-elle faire une proposition pareille ?
Le débat d’un éventuel 3ème mandat du Président Macky Sall s’est posé après l’élection présidentielle, votre point de vue là dessus ?
Je ne vois pas pourquoi on agite un éventuel 3e mandat du Président Sall. Lui-même sait pertinemment que celui-ci est son dernier. Il a déjà réglé le problème avec l’article 27 de la nouvelle constitution. Quand on dit : ‘’nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs’’. C’est clair comme l’eau de roche. Le «nul» a déjà réglé le problème, donc arrêtons de distraire les Sénégalais avec des «en principe».
Ndèye Khady D. FALL