Invité à trancher la question du troisième mandat prêté au Président Macky Sall, le Premier ministre Amadou Ba a rappelé la Constitution qui précise, dit-il, que le mandat est de cinq ans et que nul ne peut faire plus deux mandats consécutifs. Poursuivant, il n’a pas manqué de railler l’opposition parlementaire qui écarte le chef de l’Etat des starting-blocks : « exclure un candidat, c’est comme si vous aviez peur de lui », lance le chef du gouvernement.
La question du troisième mandat a été beaucoup évoquée par les députés lors de la Déclaration de politique générale du Premier ministre, Amadou Ba. « Le débat sur le mandat est une question de responsabilité personnelle. Une question qui concerne le président de la République et l’intéressé n’en a pas encore parlé. Chacun de nous est libre de présenter sa candidature », fait d’emblée remarquer Amadou Ba, avant de poursuivre : « que dit la Constitution ? Le mandat est de cinq ans ! Nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs », précise le Premier ministre sous les ovations des députés et des militants perchés sur la tribune de l’hémicycle. « Laissons les choses suivre leur cours normal. Pourquoi vouloir se battre aujourd’hui sur qui doit être candidat qui ne doit pas l’être ? Cette question n’a pas de sens et n’a aucun intérêt pour le Sénégal. Mieux, c’est le Conseil constitutionnel qui est habilité à publier la liste des candidats. A sa suite, c’est au peuple d’élire son président. Le peuple l’a régulièrement fait et cela n’a jamais posé de problème », rappelle le Premier ministre qui n’a pas manqué de railler l’opposition parlementaire : « donc exclure un candidat, c’est comme si vous aviez peur de lui. Avez-vous peur de lui ?», demande le chef du gouvernement qui invite à reléguer le débat partisan en seconde zone pour se consacrer au travail.
Amadou Ba : « ce gouvernement est là pour exécuter tout ce qu’on a dit »
« Si on pouvait consacrer les élections à la campagne électorale et le jour du vote et avoir confiance aux Sénégalais à nos institutions, tout ce débat qui ne permet pas aux Sénégalais d’être ensemble et de tirer dans la même direction allait être abandonné », indique l’ancien patron de l’Economie et des Finances. Revenant sur les motivations de saDéclaration de politique générale (Dpg), Amadou Ba révèle qu’il ne s’agit pas de venir à l’Assemblée nationale et de lire un catalogue de projets et s’en aller. « Ce gouvernement est là pour exécuter tout ce qu’on a dit dans la Dpg. On fera de notre mieux. La Dpg doit transcender nos personnes, on ne doit pas avoir une conception réductrice et résumer les activités au Sénégal à la préparation d’échéances électorales. Ce n’est pas la vision du Président Macky Sall », fait remarquer Amadou Ba. C’est pourquoi, dit-il, il n’a pas donné de délai d’exécution du programme. « Je n’ai pas parlé de délai (12 mois). C’est injuste de parler de date car cette nomination peut prendre fin à tout moment. Ce qui est important, c’est au moment d’exercer une profession, de le faire pleinement », indique le Pm pour répondre aux députés de l’opposition qui lui fixent un an à la tête du gouvernement. Cette tâche de coordonner l’action du gouvernement, ajoute-t-il, ne lui permet pas d’être dans les médias 24 heures sur 24. « Quand on a tout ce travail, ton rôle n’est pas dans les radios et télés. On peut faire son travail sans bruit », dit-il.
Amadou Ba écarte tout lien de dépendance avec la France
Le Premier ministre, dans ses réponses, est aussi revenu sur les interpellations des députés sur la diplomatie sénégalaise. Et c’est pour rappeler que le Sénégal est un pays indépendant. « Sur le plan diplomatique, aucun pays ne peut nous imposer sa vision ou la conduite à tenir. Nous sommes en bons termes avec tous les pays ; même s’il peut y avoir parfois des problèmes, mais notre diplomatie qui a désormais une orientation économique, se porte bien », indique Amadou Ba, persuadé que le leadership du chef de l’Etat sur le plan international ne signifie nullement que le Sénégal est une puissance, mais un pays respecté. « Le Pib de la France est de 2700 milliards d’euros, notre Pib fait moins de 20 milliards d’euros, mais cette différence ne crée pas des liens de dépendance, ni avec la France, ni avec un autre pays. Nous avons des liens économiques, mais nous avons beaucoup d’investissements français au Sénégal. Tout investisseur, quelle que soit sa nationalité (Japonais, Américain, Chinois), a droit à la protection de l’Etat. Le Sénégal est un pays ouvert », précise le chef du gouvernement. S’agissant de la monnaie, il souligne que le processus est en cours avec les discussions entre pays africains pour aller vers une transition paisible. A l’en croire, ces pays africains vont définir une nouvelle forme de coopération aussi bien avec la France qu’avec les autres pays. Revenant sur la monnaie unique de la Cedeao, l’Eco, il précise que la durée et la complexité du processus renseignent que la monnaie, dit-il, est une question sérieuse.
La démocratie ne veut pas dire anarchie
Sur la question des libertés soulevée et décriée par les parlementaires de l’opposition, Amadou Ba dira que le Sénégal est envié pour sa démocratie et le respect des libertés. « Cependant, la démocratie ne veut pas dire anarchie, il faut qu’on s’accorde sur ce principe. C’est pourquoi on doit respecter les règles établies et en discuter si ça pose problème. Mais la démocratie ne donne pas le droit de harceler, d’injurier ou de discréditer une personne. On ne doit pas descendre aussi bas. Le Sénégal n’attend pas cela de nous », sermonne le Premier ministre. Loin de partager l’avis sur la restriction des libertés, il rappelle que seules 2% des demandes de manifestations ont fait l’objet de rejet. Quant à la problématique de l’insécurité, Amadou Ba est persuadé qu’il n’existe pas de sentiment d’insécurité au Sénégal. On a, par moments, dit-il, de la criminalité ; comme ce fut le cas à Mbour. Un drame qu’il n’a pas manqué de déplorer et de condamner. « Au Sénégal, on se déplace à toutes les heures sans avoir le sentiment d’insécurité, mais il est possible par moments que certains d’entre nous soient agressés, qu’il y ait des vols, des évènements qui peuvent finir de manière violente », ajoute le Premier ministre qui révèle que la police et la gendarmerie ont tiré des enseignements sur ce qui s’est passé pour que pareille situation ne se reproduise. « La séparation des pouvoirs doit être une quête permanente et il faut œuvrer pour ce principe. C’est ce que le Président fait, c’est ce que font les ministres et c’est ça le fonctionnement normal d’un Etat », dit-il. Toutefois, il est d’avis que ni le président de la République, ni les membres du gouvernement ne souhaitent l’emprisonnement de ces personnes. Cependant, il estime qu’on peut toujours solliciter la clémence dans le respect et l’Etat avisera.
L’ambition de Macky Sall est de multiplier le budget par deux dans les cinq prochaines années
Amadou Ba a aussi abordé la question de l’endettement. « Rien ne justifie qu’on prête de l’argent sans avoir confiance au Sénégal qui n’est pas une puissance sur le plan militaire, sur le plan démographique et sur le plan économique. La communauté internationale fait confiance au Sénégal, c'est une vieille tradition. Sur le plan de la confiance et de la crédibilité, il faut reconnaître que le Président Macky Sall a fait rayonner le Sénégal à travers le monde. Le Sénégal a un cadre macroéconomique sain. Nous avons une administration efficace, un bon système fiscal, mais ce n’est pas suffisant. Des réformes ont été initiées pour améliorer les recettes pour plus d’efficacité, plus de transparence et de simplicité. Pour les dépenses le train de vie de l’Etat a baissé », se glorifie le Premier ministre qui rappelle que le budget a été multiplié par deux en dix ans. Cependant, l’ambition du Président Macky Sall est de multiplier le budget par deux sur les cinq prochaines années car le processus de transformation du Sénégal n’attend pas. C’est une urgence, dit-il. Poursuivant, il révèle que le profil d’endettement du Sénégal est modéré et va dans les investissements. Mieux, il précise que le Sénégal n’a pas un défaut de paiement et s’acquitte de sa dette à bonne date.
M. CISS