ALIOUNE TINE, SUR LES RAPPORTS DE L’IGE : «On a l’impression que quand on est proche du pouvoir, on peut tout se permettre sans avoir à rendre compte ou à être sanctionné»



Alioune Tine constate comme tout le monde que l’Inspection générale d’Etat (Ige) a sorti ses rapports des trois dernières années, au moment où l’agenda politique a changé. Pour le Directeur régional d’Africa Jom Center, Il faut «redéfinir le mandat et la place de l’Ige pour pouvoir lui donner plus d’indépendance» et en faire un véritable instrument de dissuasion, de lutte contre les détournements et non un corps aux compétences sous-utilisées et dont les rapports sont souvent utilisés contre des opposants politiques. Alioune Tine incite les dirigeants actuels et futurs à changer de paradigme, en souscrivant définitivement à la bonne gouvernance et à la lutte contre les «délinquants à col blanc» qui détournent les ressources publiques.

L’Inspection générale d’Etat (Ige) a finalement sorti avant-hier ses rapports des trois dernières années. Un retard dans la publication qui avait fait penser à des manœuvres politiques, pour éviter de publier des rapports compromettants pour le régime en période électorale (législatives de 2017 et présidentielle de 2019). Pour Alioune Tine, vrai ou faux, ce qui est clair, c’est que «l’agenda (politique) a changé» maintenant. Allant plus loin, il souligne que l’Inspection générale d’Etat, malmenée, qui a connu des fortunes diverses avec les différents régimes, doit être repensée pour plus de liberté et d’efficacité. «L’Ige est un corps d’élite dont on n’utilise pas assez les compétences, les rapports, les conclusions, les recommandations. Il faut redéfinir le mandat et la place de l’Ige pour pouvoir lui donner plus d’indépendance», soutient-il. Et d’ajouter que «du temps de Senghor, c’était un instrument de dissuasion», mais que depuis lors, «c’est devenu un instrument contre les opposants».

«Il faut donner plus d’indépendance à l’Ige»

Pour le Directeur d’Africa Jom Center, «Il faut que l’Ige soit un véritable instrument de lutte contre les détournements, de manière à favoriser une gestion rigoureuse». Or, souligne-t-il, aujourd’hui, les scandales de détournements se multiplient sans que rien ne soit véritablement fait pour y mettre fin. «On a l’impression que quand on est proche du pouvoir, on peut tout se permettre sans avoir à rendre compte ou à être sanctionné».

«La demande de reddition des comptes, de transparence est plus forte»

D’ailleurs, note-t-il, on n’a «pas suffisamment de réactions des partis politiques», suite à la sortie des rapports de l’Ige. Et pour lui, «cela c’est un indicateur». Par contre, ce qui est indéniable, c’est qu’au niveau des populations, de la société civile, «la demande de reddition des comptes, de transparence est plus forte». Il en veut pour preuve «les Unes des journaux, les réseaux sociaux». Dès lors, Alioune Tine affirme que les politiciens et dirigeants, «le pouvoir comme l’opposition doivent aller vers de nouvelles méthodes par rapport à la bonne gouvernance et la lutte contre les délinquants à col blanc». Surtout que désormais, «il y a une opinion qui ne compte plus rester indifférente» à la bonne gouvernance. Et pour les gouvernants, ça n’augure rien de bon.
Alioune Tine de souligner particulièrement la mal gouvernance du foncier. «Il faut regarder ce qui se passe sur le littoral, aux Mamelles et un peu partout dans le pays. C’est incroyable. Les questions foncières sont très toxiques», avertit-il. Et pourtant, fait-il remarquer, le Sénégal a des ressources humaines comme naturelles assez importantes pour assurer son développement. Mais, précise-t-il, «on ne peut pas aller vers l’émergence sans la bonne gouvernance». C’est si vrai pour lui que si les pays comme l’Ile Maurice, le Rwanda, le Botswana, sont cités aujourd’hui en Afrique comme exemples de développement, c’est parce qu’ils «ont réglé le problème de la gouvernance».

Mbaye THIANDOUM
LES ECHOS

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