Devant la barre des flagrants délits de Dakar, où elle a été traînée, hier, pour détournement de 25 millions, abus de confiance, faux et usage de faux dans une écriture privée, Delphine Ndéki a ouvertement accusé sa patronne, Aminata Diop, comme étant l'auteur des présumés malversations qu'a subies son agence immobilière Mondial Immo. Toutefois, cette dernière, par le biais de son avocat, Me Moustapha Dieng, a réclamé 25 millions de dommages et intérêts. Délibéré après-demain.
Les relations entre la dame Delphine Ndéki et sa patronne, Aminata Diop, ne sont plus au beau fixe. Car, pour un présumé détournement d'une somme de 25 millions, cette dernière l’a traînée, hier, devant le juge du tribunal des flagrants délits de Dakar, pour abus de confiance, faux et usage de faux en écriture privée. Sur les faits objet de leur discorde, la plaignante, propriétaire de l'agence immobilière Mondial Immo, avait confié la gestion à son employée Delphine Ndéki, en qui elle avait une confiance aveugle. Toutefois, après une gestion clean de l’agence durant sept longues années, un beau jour, la victime dit avoir découvert que son employée, Delphine Ndéki, a abusé de la confiance aveugle qu'elle avait envers elle, usant de manœuvres frauduleuses pour détourner 25 millions. La partie civile Aminata Diop dit a découvert ces magouilles, suite à une plainte d'une de ses clientes et cousine, en l'occurrence Arame Diallo. Cette dernière, restée 9 mois sans recevoir le versement de son loyer, s'en est ouverte à Aminata Diop. Totalement surprise, Aminata Diop a procédé à des vérifications au niveau de la comptabilité de sa boîte, découvrant que la mise en cause Delphine Ndéki enregistrait des montants fictifs dans le cahier-journal de l'agence pour camoufler ses manœuvres frauduleuses. Mais finalement, il s’est avéré que sur les 45 clients de l'agence, l'inculpée n'a détourné que l'argent de la cousine de sa patronne.
Aminata Diop accuse Delphine
Face au juge, Mme Aminata Diop est revenue sur les faits. «Elle était chargée de recevoir les fonds et d'effectuer les versements à la banque. Après sept ans de gestion, j'ai découvert qu'elle détournait de l'argent appartenant à l'entreprise. En effet, une de mes clientes, qui se trouve être ma cousine, m'a informée, au mois de janvier 2019, qu'elle est restée durant 9 mois sans recevoir de versements. C'est sur ces entrefaites que j'ai procédé à une vérification et découvert qu'elle avait réellement détourné de l'argent ; et je n'en revenais pas. Elle a réussi à subtiliser la somme de 25 millions F. Quand le relevé bancaire est arrivé, j'ai remarqué un balancement. En rangeant son bureau, alors qu'elle était en congés, j'ai remarqué que 3 ans de comptabilité avaient disparu. Sachant que ma cousine était sur le point de revenir au Sénégal le 15 janvier, le 14 janvier, elle a disparu. Je l'appelle, elle refuse de venir en m'insultant. elle a abandonné son poste. Elle recevait les loyers et elle était chargée de reverser l'argent à la banque», a raconté la partie civile, qui poursuit : «j'avais confiance en elle. Elle ne déposait pas le chèque de ma cousine Ndèye Arame Diallo. En réalité, elle les déchirait», lâche-t-elle.
La prévenue pointe Aminata Diop comme l’auteure des malversations
Des accusations balayées d'un revers de main par la prévenue Delphine Ndéki qui a fait 30 jours de détention préventive. Delphine dit avoir été accusée à tort par Aminata Diop qui refusait de régulariser son contrat de travail, après 7 années de loyaux services. Elle se décharge en accusant sa patronne Aminata Diop d’être l'auteure de ces malversations. «En réalité, nous avons des problèmes à cause de mon contrat de travail. Depuis 7 ans, je travaillais pour elle. Et quand je lui ai demandé la régularisation de mon contrat, elle a refusé. Je lui ai tenu tête la dernière fois qu'on s'est vu. Et devant le comptable, elle a voulu me faire un contrat à durée déterminée avec une réduction de mon salaire. Ce que j'ai catégoriquement refusé, avant de claquer la porte. J'ai fait un relevé normal que j'ai donné à sa cousine qui vivait en Suisse. C'est elle, Aminata, qui détournait l'argent de sa cousine et je l'ai dénoncée. Elle a fait des malversations au sein de sa famille et n'a pas payé la dame. Cet argent dont elle parle, c'est elle qui l'encaissait et qui le versait dans son compte. On remplissait le journal ensemble. C'est elle qui me dictait ce que je devais écrire. J'ai quitté la société depuis le 14 janvier c’est pourquoi je ne suis pas dépositaire des documents comptables. En plus, je lui remettais de l'argent presque tout le temps. Les décharges je les ai laissées au bureau. Par ailleurs, je n'étais pas chargée de faire des reversements. C'est faux! Je ne le faisais qu’exceptionnellement. D'habitude, les chauffeurs le faisaient», s'est-elle dédouanée.
Malgré ces allégations, l'avocat de la plaignante, Me Moustapha Dieng, n'a pas gobé un mot de ce qu'elle a dit. A en croire Me Dieng, la culpabilité de la prévenue est incontestable, parce que Delphine Ndéki n'a pas nié les opérations consignées dans le cahier journal de l'entreprise. Elle fait un abandon de poste quand son subterfuge a été découvert. Elle a quitté son poste parce qu'elle savait ce qui l'attendait. Elle est partie avec tous les bordereaux de chèques et avec tous les documents susceptibles de l'incriminer», a souligné la robe noire, qui poursuit son argumentaire : «la prévenue pense avoir affaire à des gens qui ne maîtrisent pas la comptabilité. Elle n'a pas prouvé que cet argent a disparu. Elle essaie de se défendre en faisant croire qu'elle a eu des problèmes avec sa patronne à cause de son contrat que celle-ci refusait de régulariser. Ce qui s'est passé, c'est des manipulations des chiffres, des détournements. Elle était devenue un membre de la famille. La partie civile avait confiance en elle. Après le constat des manquements, elle a pris la clé des champs, elle est partie. Et pour se couvrir, elle a fabriqué des scénarios. Elle a saisi discrètement l'Inspection du travail. Or, quand elle recevait des sommes, elle en faisait la traçabilité. De façon malicieuse, elle a essayé de diaboliser ma cliente. Nous vous demandons de rendre justice à notre cliente, en retenant la prévenue dans les liens de la détention. Pour la réparation du préjudice causé, la partie civile a réclamé la somme de 25 millions de F», tonne l'avocat.
Pour ses réquisitions, le procureur a demandé l'application de la loi à l'encontre de la prévenue. Là où l'avocat de la défense, Me Ndiaye, a noté que, selon lui, cette affaire n'est pas une affaire de flagrants délits. Ainsi, ce conseil s'est attaqué aux avocats adverses en fustigeant leurs plaidoiries. Ce qui est frappant, la partie civile a quatre excellents avocats et que l'affaire a été renvoyée à quatre reprises. La plaidoirie de mes confrères est sulfureuse, qui ont au final demandé l'application de l'article 457 (la faute civile) du code pénal. Il n'étaient pas convaincants. Eux-mêmes n'étaient pas convaincus de ce qu'ils disaient, pour assurer la défense de leur cliente. L'argent qui passait entre les mains de la plaignante était détourné pour les autres travaux qu'elle supervisait. Je ne suis pas étonné du comportement de la représentante du ministère public. Car, dans cette affaire, il n'y a rien à dire», a pesté la robe noire. Délibéré après-demain.
Fatou D. DIONE