L'élection présidentielle coûte cher au Sénégal. C’est le moins que l’on puisse dire après la mission du Fmi dans notre pays. En effet, l'équipe de Edward Gemayel a relevé que les réserves de liquidités constituées par le gouvernement en prévision de la présidentielle a contribué à une augmentation de la dette du gouvernement central (73,4% du Pib) au-delà du plafond fixé par l’Uemoa. S’agissant de la croissance 2024, elle a été revue à la baisse projetée à 7,1% contre des prévisions de 8,3%, en partie, à cause du report de la production de gaz à décembre 2024.
Au terme de la visite des services du Fmi au Sénégal du 25 avril au 3 mai, le chef de mission Edward Gemayel a fait le point sur les développements économiques et politiques récents de notre pays. « En 2023, l'économie sénégalaise a fait preuve de résilience en dépit d'un contexte difficile. Malgré les tensions politiques autour de l'élection présidentielle et les chocs extérieurs, la croissance économique a dépassé les attentes (4,6%), reflétant une bonne campagne agricole et un secteur tertiaire solide. L'inflation a également connu une baisse plus rapide que prévu, retombant à 5,9% », fait d’emblée remarquer le chef de mission du Fmi.
Quand la présidentielle corse l’endettement du Sénégal
Poursuivant, Edward Gemayel s’est réjoui de constater que les dépenses élevées de subventions à l'énergie (620 milliards de francs Cfa, soit 3,3% du Pib) et d'intérêts sur la dette ont été compensées par des réductions des dépenses d'investissement afin de contenir le déficit budgétaire à 4,9% du Pib, conformément à l'objectif du programme. « En outre, le gouvernement a constitué des réserves de liquidités en prévision de l'élection présidentielle, ce qui a contribué à une augmentation de la dette du gouvernement central (73,4% du Pib) au-delà du plafond de dette fixé dans le cadre de l’Uemoa », annonce le chef de mission, avant de révéler que le déficit du compte courant est aussi resté important (18,8 % du Pib), reflétant, dit-il, la faiblesse persistante des exportations de biens.
La production de gaz encore reportée, la croissance 2024 désormais projetée à 7,1% au lieu de 8,3%
Il ressort également de la déclaration du chef de mission du Fmi que la croissance de l'activité économique au premier trimestre 2024 a été plus faible que prévu, du fait des incertitudes politiques liées à l'élection présidentielle. « Les indicateurs de conjoncture montrent que la croissance de l'activité économique a été modérée, les entreprises ayant reporté leurs investissements et les consommateurs réduit leurs dépenses. L'inflation s'est repliée à 3,3% (en glissement annuel). L'exécution du budget a été marquée par une moins-value au niveau des recettes et un dépassement du coût des subventions à l'énergie par rapport à l'enveloppe budgétaire initiale, explique M. Gemayel qui ne s’alarme sur les perspectives économiques qui, à l’en croire, restent favorables. « La croissance économique pour 2024 est maintenant projetée à 7,1% contre 8,3% auparavant, reflétant une activité économique impactée au premier trimestre par le contexte électoral et un démarrage retardé de la production de gaz jusqu'en décembre 2024 », ajoute l’émissaire du Fmi pour justifier cette baisse.
Des mesures pour rationaliser les dépenses fiscales et améliorer l’efficacité des dépenses pour atteindre le déficit budgétaire de 3% en 2025
De l’avis de l’équipe du Fmi, les données préliminaires pour la fin de l'année 2023 indiquent que le programme soutenu par le Fmi reste globalement sur la bonne voie. « Toutefois, pour atteindre l'objectif de déficit budgétaire de 3,9% du Pib fixé pour la fin de l'année 2024, il faudra prendre des mesures ambitieuses pour rationaliser les dépenses fiscales et améliorer l'efficacité des dépenses. Ces mesures devraient être prises dans le cadre d'un budget rectificatif qui permettrait la réalisation de l'objectif régional de déficit budgétaire de 3% du Pib en 2025.
Le Fmi préconise une nouvelle grille tarifaire de l’électricité…
A cet effet, le chef de mission du Fmi estime qu’un accent devrait être davantage mis sur les réformes structurelles, portant sur la révision de la formule de détermination des produits pétroliers et la réalisation d'un audit de la compagnie d'électricité Senelec afin de mettre en œuvre une nouvelle grille tarifaire pour l'électricité, avec un tarif social pour les ménages vulnérables. Il révèle, en outre, que les autorités progressent dans les mesures visant à sortir le Sénégal de la liste grise du Groupe d'action financière (Gafi).
Les nouvelles autorités en phase avec le programme du Fmi
Par ailleurs, le chef de mission a révélé que les nouvelles autorités ont réaffirmé leur engagement à poursuivre le programme actuel soutenu par le Fmi. « Elles reconnaissent que les principaux piliers du programme s'alignent sur leurs propres objectifs stratégiques, à savoir : améliorer la résilience budgétaire et réduire les vulnérabilités de la dette, renforcer la gouvernance, promouvoir la transformation structurelle de l'économie et renforcer la résilience au changement climatique », a relevé M. Gemayel. Pour rappel, lors cette mission, les services du Fmi ont rencontré le Premier Ministre, Ousmane Sonko, mais aussi le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, ainsi que de hauts fonctionnaires de l'administration. Pour la seconde revue du programme soutenu par le Fmi au titre du Mécanisme Elargi de Crédit (Mec) et de la Facilité Elargie de Crédit (Fec), et la Facilité pour la Résilience et la Durabilité (Frd), le chef de mission annonce que les discussions sont prévues au mois de juin 2024.
Moussa CISS